Proverbes 9, 1-6 ; Psaume 34, 10-15 ; Éphésiens 5, 15-20 ; Jean 6, 52-59
Jean 6, 51-59
Voilà un propos de Jésus qui scandalise jusqu'à ses propres disciples (v. 60), parmi les auditeurs d'obédience judéenne (v. 52) choqués par cet enseignement donné dans la synagogue de Capernaüm, où se passe la discussion (v. 59).
Au fond que veut dire Jésus par ces mots aux allures… "cannibales" ? Provocation ? Peut-être. Mais tout de même !?
Il s'agit alors de ne pas perdre de vue que ce que dit Jésus ici s’inscrit dans le propos de tout le discours de ce chapitre ; c’en est le point culminant. Ce propos est le suivant : nourrissons-nous notre vrai désir ? — le connaissons-nous, même : — le désir de Dieu ?
C’est la question que nous pose ce texte… En termes apparemment outranciers, certes. En fait en termes qui rendent la question incontournable.
Les gens avaient faim. De pain, apparemment. Jésus leur a donné du pain. Et ils ont à nouveau faim. Et lorsque Jésus veut les entraîner à la question de la vraie nourriture, ils ont bien compris, pensent-ils. Ils ont suivi leur catéchisme. Ah oui, le pain du ciel, quoi ! On connaît : c’est l’histoire de manne et de Moïse dans le désert. Car pour le judaïsme, il est traditionnel que la manne désigne la nourriture de la Parole de Dieu (cf. Ps 78, 24).
Accord apparent entre Jésus et eux, jusqu’à ce que les choses se gâtent. Provocation ? Jésus ne lésine pas : apparemment, il se donne même tort, semblant mettre, pour qui veut s’imaginer qu’il invite au cannibalisme, jusqu’au Lévitique contre lui (17, 10) : tu ne mangeras pas le sang. Tout pour être scandalisé. Ce n'est pas la seule fois où l'on voit Jésus provoquer ainsi. Là ça semble atteindre un comble. Pourquoi ? Parce que ses interlocuteurs, nous, à force de croire savoir — oui on connait ça, le pain du ciel — finissons par ne plus entendre !
Voilà donc les auditeurs de Jésus entre le pain abondant de la veille, dont ils veulent bien se rassasier à nouveau, et le pain spirituel qui les renvoie via leur enseignement catéchétique au passé religieux, au temps du désert, au temps glorieux de la religion des ancêtres.
Mais… si c’était aujourd’hui qu’ils avaient faim ? Une faim qu’ils ignorent, une faim qu’ils n’ont pas conçue. Et qui pourtant tenaille. Telle est la question de ce texte, la question qu’il nous pose aujourd’hui à nous aussi.
Et comme nous aussi, nous aimerions bien n’avoir plus le souci du pain du lendemain ; plus le souci financier du lendemain — de même, nous aussi nous savons qu’il y a une vraie nourriture spirituelle qui a fondé l’Église.
Oui, tout cela, on est au courant, ont-ils dit. "Au désert, nos pères ont mangé la manne, ainsi qu’il est écrit : Il leur a donné à manger un pain qui vient du ciel."
Moïse a donné le pain du ciel. Or pas plus que les pains de la veille qui ont nourri les ventres ne sont le pain céleste, le pain du désert n'est pas le pain du ciel dont parle le Psaume évoqué ici (Ps 78, 24). Dans les deux cas, lors de l'Exode et hier encore, avec cette multiplication des pains, on n’est pas mort de faim, physiquement… Certes. Mais l'être spirituel ? Et aujourd’hui ? Et nous ?
Nous ? Notre foi n’a-t-elle pas vu que notre vraie soif, Jésus porte les paroles qui peuvent l’assouvir ? "À qui irions-nous ?… tu as les paroles de la vie éternelle…" dira pour nous Pierre à la suite de ces paroles de Jésus (v. 68).
Hors cela, on reste dans sa faim : les pauvres, vous les aurez toujours avec vous, dira Jésus ; les pauvres vous les serez toujours, à moins que vous ne deveniez pauvres en esprit, connaissant votre vraie faim, votre vrai désir, et celui-là seul qui peut combler votre vraie faim, éternelle, au-delà de nos vies passagères.
Pour cela Jésus ira jusqu’à donner sa vie passagère… Donner sa chair à manger — en ses mots provocateurs. Il donne sa chair pour la vie du monde. C’est-à-dire, il se dépouille de sa vie… Et il nous appelle à recevoir ce dépouillement — "manger sa chair".
Là, Jésus a tracé un parallèle entre le pain dont il nourrit la foule et sa propre mort. Manger le pain qu’il partage revient ainsi à confesser concrètement que l’on vit de sa mort, du don de sa vie. Le partage de la Cène est bien évidemment en perspective — ceci est mon corps donné pour vous — dira-t-il du pain partagé. Le discours de Jean 6 nous permet ainsi de comprendre en quoi ce pain, le pain de la Cène, est son corps, le corps du Christ : il ne s’agit évidemment pas de l’élément chimique qu’est le pain. Il ne s’agit pas de la matière, mais de la parole qui y est signifiée, donnée à notre foi — où l'abstinence de Cène en temps de pandémie vient souligner le fait que ce n'est pas tant de pain qu'il s'agit, que de parole d'éternité : c'est mon Père qui donne le vrai pain du ciel (Jn 6, 32).
De quoi s’agit-il ? De recevoir du dépouillement de Jésus, jusqu’au dépouillement de sa vie, la parole, la promesse de notre propre dépouillement.
En d’autres termes : recevoir sa mort, et donc abandonner l’illusion que le provisoire de la vie-même pourrait durer, pour découvrir, dans l’abandon de cette illusion, dans l’abandon de sa propre vie passagère, la vie de résurrection.
Mourir au désir de faire du transitoire du définitif, mourir déjà à ce qui mourra ; bref : perdre sa vie… pour la vivre en vérité dans un aujourd'hui de résurrection. Le Christ est présent avec nous comme don partagé, au milieu de nous, pas comme pâte ingérée ! Pain et vin signifient don de sa vie, communion les uns avec les autres dans sa mort et sa vie de résurrection. Car alors prend place la parole, la promesse de la Résurrection. "Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour."
"C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie", expliquera-t-il à ce sujet.
La résurrection prend alors place comme résolution de nos désirs de pains multipliés ; désir illusoire de vie comblée de façon indéfinie. Elle prend place comme récapitulation dans le Christ de ce que nous sommes vraiment, l’ignorerions-nous. Dans la résurrection du Christ, notre résurrection au dernier jour prend place dès aujourd’hui comme présentation de nos êtres vrais devant Dieu. Comme résolution et exaucement de nos désirs, et non pas de pains multipliés qui au fond ne rassasient pas. Elle est résolution et récapitulation de la vérité de nos vies.
C’est là la vérité profonde de la parole ou Jésus mène ses interlocuteurs, où Jésus nous mène : "comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi". "Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité".
C’est la parole par laquelle Jésus répond en vérité aujourd’hui à toutes nos demandes.
Jean 6, 51-59
51 "Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie."
52 Sur quoi, les Judéens se mirent à discuter violemment entre eux : "Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?"
53 Jésus leur dit alors : "En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas en vous la vie.
54 Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
55 Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang vraie boisson.
56 Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.
57 Et comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi.
58 Tel est le pain qui est descendu du ciel : il est bien différent de celui que vos pères ont mangé ; ils sont morts, eux, mais celui qui mangera du pain que voici vivra pour l’éternité."
59 Jésus dit ces choses dans la synagogue, enseignant à Capernaüm.
*
Voilà un propos de Jésus qui scandalise jusqu'à ses propres disciples (v. 60), parmi les auditeurs d'obédience judéenne (v. 52) choqués par cet enseignement donné dans la synagogue de Capernaüm, où se passe la discussion (v. 59).
Au fond que veut dire Jésus par ces mots aux allures… "cannibales" ? Provocation ? Peut-être. Mais tout de même !?
Il s'agit alors de ne pas perdre de vue que ce que dit Jésus ici s’inscrit dans le propos de tout le discours de ce chapitre ; c’en est le point culminant. Ce propos est le suivant : nourrissons-nous notre vrai désir ? — le connaissons-nous, même : — le désir de Dieu ?
C’est la question que nous pose ce texte… En termes apparemment outranciers, certes. En fait en termes qui rendent la question incontournable.
Les gens avaient faim. De pain, apparemment. Jésus leur a donné du pain. Et ils ont à nouveau faim. Et lorsque Jésus veut les entraîner à la question de la vraie nourriture, ils ont bien compris, pensent-ils. Ils ont suivi leur catéchisme. Ah oui, le pain du ciel, quoi ! On connaît : c’est l’histoire de manne et de Moïse dans le désert. Car pour le judaïsme, il est traditionnel que la manne désigne la nourriture de la Parole de Dieu (cf. Ps 78, 24).
Accord apparent entre Jésus et eux, jusqu’à ce que les choses se gâtent. Provocation ? Jésus ne lésine pas : apparemment, il se donne même tort, semblant mettre, pour qui veut s’imaginer qu’il invite au cannibalisme, jusqu’au Lévitique contre lui (17, 10) : tu ne mangeras pas le sang. Tout pour être scandalisé. Ce n'est pas la seule fois où l'on voit Jésus provoquer ainsi. Là ça semble atteindre un comble. Pourquoi ? Parce que ses interlocuteurs, nous, à force de croire savoir — oui on connait ça, le pain du ciel — finissons par ne plus entendre !
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Voilà donc les auditeurs de Jésus entre le pain abondant de la veille, dont ils veulent bien se rassasier à nouveau, et le pain spirituel qui les renvoie via leur enseignement catéchétique au passé religieux, au temps du désert, au temps glorieux de la religion des ancêtres.
Mais… si c’était aujourd’hui qu’ils avaient faim ? Une faim qu’ils ignorent, une faim qu’ils n’ont pas conçue. Et qui pourtant tenaille. Telle est la question de ce texte, la question qu’il nous pose aujourd’hui à nous aussi.
Et comme nous aussi, nous aimerions bien n’avoir plus le souci du pain du lendemain ; plus le souci financier du lendemain — de même, nous aussi nous savons qu’il y a une vraie nourriture spirituelle qui a fondé l’Église.
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Oui, tout cela, on est au courant, ont-ils dit. "Au désert, nos pères ont mangé la manne, ainsi qu’il est écrit : Il leur a donné à manger un pain qui vient du ciel."
Moïse a donné le pain du ciel. Or pas plus que les pains de la veille qui ont nourri les ventres ne sont le pain céleste, le pain du désert n'est pas le pain du ciel dont parle le Psaume évoqué ici (Ps 78, 24). Dans les deux cas, lors de l'Exode et hier encore, avec cette multiplication des pains, on n’est pas mort de faim, physiquement… Certes. Mais l'être spirituel ? Et aujourd’hui ? Et nous ?
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Nous ? Notre foi n’a-t-elle pas vu que notre vraie soif, Jésus porte les paroles qui peuvent l’assouvir ? "À qui irions-nous ?… tu as les paroles de la vie éternelle…" dira pour nous Pierre à la suite de ces paroles de Jésus (v. 68).
Hors cela, on reste dans sa faim : les pauvres, vous les aurez toujours avec vous, dira Jésus ; les pauvres vous les serez toujours, à moins que vous ne deveniez pauvres en esprit, connaissant votre vraie faim, votre vrai désir, et celui-là seul qui peut combler votre vraie faim, éternelle, au-delà de nos vies passagères.
Pour cela Jésus ira jusqu’à donner sa vie passagère… Donner sa chair à manger — en ses mots provocateurs. Il donne sa chair pour la vie du monde. C’est-à-dire, il se dépouille de sa vie… Et il nous appelle à recevoir ce dépouillement — "manger sa chair".
Là, Jésus a tracé un parallèle entre le pain dont il nourrit la foule et sa propre mort. Manger le pain qu’il partage revient ainsi à confesser concrètement que l’on vit de sa mort, du don de sa vie. Le partage de la Cène est bien évidemment en perspective — ceci est mon corps donné pour vous — dira-t-il du pain partagé. Le discours de Jean 6 nous permet ainsi de comprendre en quoi ce pain, le pain de la Cène, est son corps, le corps du Christ : il ne s’agit évidemment pas de l’élément chimique qu’est le pain. Il ne s’agit pas de la matière, mais de la parole qui y est signifiée, donnée à notre foi — où l'abstinence de Cène en temps de pandémie vient souligner le fait que ce n'est pas tant de pain qu'il s'agit, que de parole d'éternité : c'est mon Père qui donne le vrai pain du ciel (Jn 6, 32).
De quoi s’agit-il ? De recevoir du dépouillement de Jésus, jusqu’au dépouillement de sa vie, la parole, la promesse de notre propre dépouillement.
En d’autres termes : recevoir sa mort, et donc abandonner l’illusion que le provisoire de la vie-même pourrait durer, pour découvrir, dans l’abandon de cette illusion, dans l’abandon de sa propre vie passagère, la vie de résurrection.
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Mourir au désir de faire du transitoire du définitif, mourir déjà à ce qui mourra ; bref : perdre sa vie… pour la vivre en vérité dans un aujourd'hui de résurrection. Le Christ est présent avec nous comme don partagé, au milieu de nous, pas comme pâte ingérée ! Pain et vin signifient don de sa vie, communion les uns avec les autres dans sa mort et sa vie de résurrection. Car alors prend place la parole, la promesse de la Résurrection. "Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour."
"C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie", expliquera-t-il à ce sujet.
La résurrection prend alors place comme résolution de nos désirs de pains multipliés ; désir illusoire de vie comblée de façon indéfinie. Elle prend place comme récapitulation dans le Christ de ce que nous sommes vraiment, l’ignorerions-nous. Dans la résurrection du Christ, notre résurrection au dernier jour prend place dès aujourd’hui comme présentation de nos êtres vrais devant Dieu. Comme résolution et exaucement de nos désirs, et non pas de pains multipliés qui au fond ne rassasient pas. Elle est résolution et récapitulation de la vérité de nos vies.
C’est là la vérité profonde de la parole ou Jésus mène ses interlocuteurs, où Jésus nous mène : "comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi". "Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité".
C’est la parole par laquelle Jésus répond en vérité aujourd’hui à toutes nos demandes.
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