1 Samuel 1.20-28 ; Psaume 84 ; 1 Jean 3.1-24 ; Luc 2.40-52
Luc 2, 40-52
Bach a composé une cantate remarquable sur cet épisode de l'Évangile de Luc, intitulée “Mon très cher Jésus est perdu” — "Mein liebster Jesus ist verloren" (cantate dont nous trouverons le texte plus bas) —, mettant l'accent sur la perte de leur enfant et le retour à la vie et à la joie des parents de Jésus, et de nous avec eux.
« Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? » Le mot que l’on a ici au v. 48 dans la bouche de Marie : “Mon enfant” est le même que celui de la traduction grecque de Bible, lorsque Abraham, après qu’il lui eût été dit : « Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Moriyya et là, tu l'élèveras en élévation sur celle des montagnes que je t’indiquerai » — Abraham demande à Isaac (Gn 22, 7) : « Qu'y a-t-il, mon enfant ? » [le même mot grec est teknon.] De même, le mot “enfant” [païs] est donné en diminutif [païdion en Luc 2, 41, païdarion en Genèse 22, 5], genre “le jeune enfant”, quand pourtant, concernant la Genèse, la tradition juive dit qu’Isaac avait alors la trentaine…
En Genèse 22, la plupart de nos traductions lisent « offrir en sacrifice », en « holaucauste », les mots qui sont littéralement « élever en élévation » (seul Chouraqui traduit : « monte-le en montée »). Manifestement l'interprétation de nos traductions (sauf Chouraqui) est aussi celle d’Abraham, et pourrait-on dire, aussi celle d'Isaac discutant avec son père. Interprétation possible sachant que les sacrifices humains existaient alors. Mais, si l’on tient compte du double sens des mots, on décèle que le texte a une portée pédagogique : partir de ce qu’Abraham perçoit de Dieu pour le conduire à un autre visage, celui du Seigneur de l’Alliance, qui refuse les sacrifices humains ! Et à partir du v. 11, où Dieu arrête la main d’Abraham, c’est un autre nom de Dieu que le nom commun, c’est le Nom imprononçable du Dieu de l’Alliance qui est utilisé, le Nom du Dieu qui refuse que l’on tue en son nom.
Élevé en élévation, Isaac trouve son avenir, et Abraham retrouve un Isaac qui ne dépend plus de lui. En ce sens, il l’a vraiment sacrifié, remis à Dieu pour qu’il devienne lui-même devant Dieu. Il retrouve un Isaac vrai, transfiguré.
C’est ce que nous devons tous faire, au fond, avec celles et ceux, à commencer par nos enfants, que nous voudrions réduire à l’image que nous nous en faisons. Les élever, les élever devant Dieu pour les reconnaître comme ils sont devant lui.
Le mont de Moriyya où la Bible situe cette scène est identifié dans le judaïsme au mont du temple, à Jérusalem.
Revenant de ce mont du temple de Jérusalem, les parents de Jésus découvrent qu’il n’est pas là ! Il sont montés à Jérusalem pour célébrer la Pâque, mémoire de la sortie de l’esclavage et de l’agneau immolé, sacrifice par lequel était signifié le salut du peuple « perdu » au pays de l’esclavage. Et de même, pour ses parents, Jésus est « perdu » (« verloren » selon le mot allemand de la Cantate de Bach) ! Jusqu’à ce moment, ils ont pu se dire qu’il était quelque part avec ses amis, dormant sous telle ou telle tente. Rien que de très normal. Puis ils découvrent qu’il n’est pas là du tout ! Pour que toutefois le lecteur ne se trompe pas sur ce qui se passe, Luc précisera que Jésus « était soumis » à ses parents (Luc 2, 51), le tout en fidélité à l'enseignement de la Torah, fidélité dont il est question dans tout ce chapitre 2, de la présentation au temple jusqu’à cet épisode, qui correspond à ce que dans la tradition biblique, dès les temps les plus anciens, les enfants au tournant par lequel ils deviennent jeunes adultes, sont déclarés responsables devant Dieu — responsables de ce qu’ils ont entendu jusqu’alors. Responsables, c’est-à-dire en capacité de répondre ; de répondre à, de répondre de ; — et de répondre de la parole reçue.
C’est là ce que le judaïsme ultérieur, et celui d’aujourd’hui, appelle « bar-mitzvah » (ou « bat-mitzvah » pour les filles), ce qui signifie « enfant du commandement ». Dans notre enfance, nos parents sont responsables de notre relation avec Dieu. Puis nous accédons au temps où nous-mêmes devenons seuls responsables devant lui. C’est le passage à l’âge de la majorité religieuse.
Jésus aussi est passé par là. Ce jour-là, il se situe devant la parole de Dieu en présence des docteurs de la Loi étonnés. « Du ciel, il t’a fait entendre sa voix pour faire ton éducation » dit le Deutéronome (ch. 4, v. 36). Jésus dévoile qu’il est au cœur de cette relation intime avec Dieu. Ses parents sont montés à Jérusalem pour la Pâque. Tout le début de l’Évangile de Luc les montre observant la Torah : circoncision, présentation, pèlerinage de la Pâque, tournant de la responsabilité religieuse de leur fils aujourd’hui. Scènes ordinaires de la vie religieuse. Ici Jésus, atteignant son âge de la responsabilité devant la Loi, va exprimer dans tout son sens ce qu’est devenir adulte devant Dieu, unique devant Dieu, par soi-même et non plus par ses parents.
Cela correspond à sa parole : « il faut que je m’occupe des affaires de mon Père » : une leçon pour ses parents, et aussi pour nous — et comme parents et comme enfants. Dépouillé, « perdu » en regard des siens, pour être unique devant Dieu, Jésus s’occupe des affaires de son Père. Et c’est ce que Dieu nous demande aussi. Tous devons devenir adultes par rapport à ceux que nous recevons comme modèles. Ainsi dans sa Cantate écrite sur ce texte, Bach, dans la tradition luthérienne de sa piété, ouvre sur notre rapport intime avec le texte.
Il s’agit pour nous de vivre dans la lumière, la lumière de la parole de Dieu que l’on a appris à écouter… Comme Jésus. Et pour nous autres, par lui. Jean 8, 12 : « Jésus leur parla de nouveau et dit : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »
Comme Jésus et, pour nous, par lui. Puisque, comme l’annonçait Jean 1, (v. 9 & 12-13), il est « la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. […] À tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »
C’est ce qui est être éduqué, « conduit hors de » — hors de la captivité, rappelle la Pâque — ; et aussi hors de l’enfance, et de l’enfance spirituelle, pour être devant Dieu, comme Isaac après l’épisode du mont Moriyya. Et en parallèle, pour tous, comme parents, il s’agit de laisser être eux-mêmes, face au commandement qu’ils ont appris à connaître, ceux que nous tendons à maintenir dans notre dépendance, prolongeant leur enfance ; cela vaut concernant tout ce qui peut devenir une chaîne.
Ici, s’opère comme une nouvelle étape avec celles et ceux avec qui nous sommes liés, nos proches, nos parents — et aussi nos maîtres, et tout ce qu’on peut imaginer — ; s’opère comme une séparation, qui vaut jusqu’à nos biens et nos propres vies. C’est qu’il n’est de vie à l’image du Christ, de vie en vérité, que sous le regard de Dieu. Et cela suppose, tôt ou tard, l’abandon de tout autre regard dont notre vie serait censée dépendre, pas seulement le regard des parents, mais ce que peut conférer un statut social, ou une position dans la société ou dans l’Église. Il s’agit désormais de vivre devant Dieu par la foi seule.
C’est de cela que Jésus montre l’exemple dans ce texte qui nous le présente au Temple à douze ans. Il vit dans sa chair cet exemple-là, et dévoile par la même occasion qui il est : le Fils de Dieu. Il est par nature ce que nous sommes toutes et tous appelés à devenir par adoption.
Ici les trois jours de sa disparition revêtent un second sens, annonçant sa résurrection : « proclamé Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts », selon les mots de Paul.
Comme Jésus nous en donne l’exemple, devenir enfant de Dieu, c’est-à-dire adulte en Christ, requiert la fin, la mort de toute dépendance, y compris du regard d’autrui, dans la famille et hors de la famille, hors de l’Église et dans l’Église. C’est le départ de la libération par l’Évangile.
Alors, un monde nouveau, annonce des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, devient possible, un monde de relations humaines reconnaissant l’autre pour lui-même, fût-il son enfant, son père ou sa mère, être créé selon l’image de Dieu, manifestée en Christ et non selon mon image ! Un prochain qui n’est pas limité à nos schémas, mais d’une valeur infinie. Voilà tout un programme, qui n’est pas facultatif : abandonner autrui, à commencer par ses proches, à Dieu. Et, pour cela, nous y abandonner nous-mêmes, en écho à la Cantate de Bach disant avec le Cantique des Cantiques : c'est la voix de mon bien aimé. Il nous appelle à présent…
Bach, Cantate BWV 154 — Mein liebster Jesus ist verloren
1er dimanche après l'Épiphanie — Luc 2, 41-49
Première exécution 9 janvier 1724 | Texte : Martin Jahn (Mvt 3 ) ; Luc 2, 49 (Mvt 5) ;
Christian Keymann (Mvt 8) ; Anonyme (Mvts 1, 2, 4, 6, 7) ; traduction Guy Laffaille :
Luc 2, 40-52
40 Or, l’enfant croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.
41 Les parents de Jésus allaient chaque année à Jérusalem, à la fête de Pâque.
42 Lorsqu’il fut âgé de douze ans, ils y montèrent, selon la coutume de la fête.
43 Puis, quand les jours furent écoulés, et qu’ils s’en retournèrent, l’enfant Jésus resta à Jérusalem. Son père et sa mère ne s’en aperçurent pas.
44 Croyant qu’il était avec leurs compagnons de voyage, ils firent une journée de chemin, et le cherchèrent parmi leurs parents et leurs connaissances.
45 Mais, ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem pour le chercher.
46 Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant.
47 Tous ceux qui l’entendaient étaient frappés de son intelligence et de ses réponses.
48 Quand ses parents le virent, ils furent saisis d’étonnement, et sa mère lui dit : Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse.
49 Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ? 50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.
51 Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait toutes ces choses dans son cœur.
52 Et Jésus croissait en sagesse, en stature, et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.
*
Bach a composé une cantate remarquable sur cet épisode de l'Évangile de Luc, intitulée “Mon très cher Jésus est perdu” — "Mein liebster Jesus ist verloren" (cantate dont nous trouverons le texte plus bas) —, mettant l'accent sur la perte de leur enfant et le retour à la vie et à la joie des parents de Jésus, et de nous avec eux.
« Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? » Le mot que l’on a ici au v. 48 dans la bouche de Marie : “Mon enfant” est le même que celui de la traduction grecque de Bible, lorsque Abraham, après qu’il lui eût été dit : « Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Moriyya et là, tu l'élèveras en élévation sur celle des montagnes que je t’indiquerai » — Abraham demande à Isaac (Gn 22, 7) : « Qu'y a-t-il, mon enfant ? » [le même mot grec est teknon.] De même, le mot “enfant” [païs] est donné en diminutif [païdion en Luc 2, 41, païdarion en Genèse 22, 5], genre “le jeune enfant”, quand pourtant, concernant la Genèse, la tradition juive dit qu’Isaac avait alors la trentaine…
En Genèse 22, la plupart de nos traductions lisent « offrir en sacrifice », en « holaucauste », les mots qui sont littéralement « élever en élévation » (seul Chouraqui traduit : « monte-le en montée »). Manifestement l'interprétation de nos traductions (sauf Chouraqui) est aussi celle d’Abraham, et pourrait-on dire, aussi celle d'Isaac discutant avec son père. Interprétation possible sachant que les sacrifices humains existaient alors. Mais, si l’on tient compte du double sens des mots, on décèle que le texte a une portée pédagogique : partir de ce qu’Abraham perçoit de Dieu pour le conduire à un autre visage, celui du Seigneur de l’Alliance, qui refuse les sacrifices humains ! Et à partir du v. 11, où Dieu arrête la main d’Abraham, c’est un autre nom de Dieu que le nom commun, c’est le Nom imprononçable du Dieu de l’Alliance qui est utilisé, le Nom du Dieu qui refuse que l’on tue en son nom.
Élevé en élévation, Isaac trouve son avenir, et Abraham retrouve un Isaac qui ne dépend plus de lui. En ce sens, il l’a vraiment sacrifié, remis à Dieu pour qu’il devienne lui-même devant Dieu. Il retrouve un Isaac vrai, transfiguré.
C’est ce que nous devons tous faire, au fond, avec celles et ceux, à commencer par nos enfants, que nous voudrions réduire à l’image que nous nous en faisons. Les élever, les élever devant Dieu pour les reconnaître comme ils sont devant lui.
Le mont de Moriyya où la Bible situe cette scène est identifié dans le judaïsme au mont du temple, à Jérusalem.
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Revenant de ce mont du temple de Jérusalem, les parents de Jésus découvrent qu’il n’est pas là ! Il sont montés à Jérusalem pour célébrer la Pâque, mémoire de la sortie de l’esclavage et de l’agneau immolé, sacrifice par lequel était signifié le salut du peuple « perdu » au pays de l’esclavage. Et de même, pour ses parents, Jésus est « perdu » (« verloren » selon le mot allemand de la Cantate de Bach) ! Jusqu’à ce moment, ils ont pu se dire qu’il était quelque part avec ses amis, dormant sous telle ou telle tente. Rien que de très normal. Puis ils découvrent qu’il n’est pas là du tout ! Pour que toutefois le lecteur ne se trompe pas sur ce qui se passe, Luc précisera que Jésus « était soumis » à ses parents (Luc 2, 51), le tout en fidélité à l'enseignement de la Torah, fidélité dont il est question dans tout ce chapitre 2, de la présentation au temple jusqu’à cet épisode, qui correspond à ce que dans la tradition biblique, dès les temps les plus anciens, les enfants au tournant par lequel ils deviennent jeunes adultes, sont déclarés responsables devant Dieu — responsables de ce qu’ils ont entendu jusqu’alors. Responsables, c’est-à-dire en capacité de répondre ; de répondre à, de répondre de ; — et de répondre de la parole reçue.
C’est là ce que le judaïsme ultérieur, et celui d’aujourd’hui, appelle « bar-mitzvah » (ou « bat-mitzvah » pour les filles), ce qui signifie « enfant du commandement ». Dans notre enfance, nos parents sont responsables de notre relation avec Dieu. Puis nous accédons au temps où nous-mêmes devenons seuls responsables devant lui. C’est le passage à l’âge de la majorité religieuse.
Jésus aussi est passé par là. Ce jour-là, il se situe devant la parole de Dieu en présence des docteurs de la Loi étonnés. « Du ciel, il t’a fait entendre sa voix pour faire ton éducation » dit le Deutéronome (ch. 4, v. 36). Jésus dévoile qu’il est au cœur de cette relation intime avec Dieu. Ses parents sont montés à Jérusalem pour la Pâque. Tout le début de l’Évangile de Luc les montre observant la Torah : circoncision, présentation, pèlerinage de la Pâque, tournant de la responsabilité religieuse de leur fils aujourd’hui. Scènes ordinaires de la vie religieuse. Ici Jésus, atteignant son âge de la responsabilité devant la Loi, va exprimer dans tout son sens ce qu’est devenir adulte devant Dieu, unique devant Dieu, par soi-même et non plus par ses parents.
Cela correspond à sa parole : « il faut que je m’occupe des affaires de mon Père » : une leçon pour ses parents, et aussi pour nous — et comme parents et comme enfants. Dépouillé, « perdu » en regard des siens, pour être unique devant Dieu, Jésus s’occupe des affaires de son Père. Et c’est ce que Dieu nous demande aussi. Tous devons devenir adultes par rapport à ceux que nous recevons comme modèles. Ainsi dans sa Cantate écrite sur ce texte, Bach, dans la tradition luthérienne de sa piété, ouvre sur notre rapport intime avec le texte.
Il s’agit pour nous de vivre dans la lumière, la lumière de la parole de Dieu que l’on a appris à écouter… Comme Jésus. Et pour nous autres, par lui. Jean 8, 12 : « Jésus leur parla de nouveau et dit : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »
Comme Jésus et, pour nous, par lui. Puisque, comme l’annonçait Jean 1, (v. 9 & 12-13), il est « la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. […] À tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »
C’est ce qui est être éduqué, « conduit hors de » — hors de la captivité, rappelle la Pâque — ; et aussi hors de l’enfance, et de l’enfance spirituelle, pour être devant Dieu, comme Isaac après l’épisode du mont Moriyya. Et en parallèle, pour tous, comme parents, il s’agit de laisser être eux-mêmes, face au commandement qu’ils ont appris à connaître, ceux que nous tendons à maintenir dans notre dépendance, prolongeant leur enfance ; cela vaut concernant tout ce qui peut devenir une chaîne.
Ici, s’opère comme une nouvelle étape avec celles et ceux avec qui nous sommes liés, nos proches, nos parents — et aussi nos maîtres, et tout ce qu’on peut imaginer — ; s’opère comme une séparation, qui vaut jusqu’à nos biens et nos propres vies. C’est qu’il n’est de vie à l’image du Christ, de vie en vérité, que sous le regard de Dieu. Et cela suppose, tôt ou tard, l’abandon de tout autre regard dont notre vie serait censée dépendre, pas seulement le regard des parents, mais ce que peut conférer un statut social, ou une position dans la société ou dans l’Église. Il s’agit désormais de vivre devant Dieu par la foi seule.
C’est de cela que Jésus montre l’exemple dans ce texte qui nous le présente au Temple à douze ans. Il vit dans sa chair cet exemple-là, et dévoile par la même occasion qui il est : le Fils de Dieu. Il est par nature ce que nous sommes toutes et tous appelés à devenir par adoption.
Ici les trois jours de sa disparition revêtent un second sens, annonçant sa résurrection : « proclamé Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts », selon les mots de Paul.
Comme Jésus nous en donne l’exemple, devenir enfant de Dieu, c’est-à-dire adulte en Christ, requiert la fin, la mort de toute dépendance, y compris du regard d’autrui, dans la famille et hors de la famille, hors de l’Église et dans l’Église. C’est le départ de la libération par l’Évangile.
Alors, un monde nouveau, annonce des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, devient possible, un monde de relations humaines reconnaissant l’autre pour lui-même, fût-il son enfant, son père ou sa mère, être créé selon l’image de Dieu, manifestée en Christ et non selon mon image ! Un prochain qui n’est pas limité à nos schémas, mais d’une valeur infinie. Voilà tout un programme, qui n’est pas facultatif : abandonner autrui, à commencer par ses proches, à Dieu. Et, pour cela, nous y abandonner nous-mêmes, en écho à la Cantate de Bach disant avec le Cantique des Cantiques : c'est la voix de mon bien aimé. Il nous appelle à présent…
Bach, Cantate BWV 154 — Mein liebster Jesus ist verloren
1er dimanche après l'Épiphanie — Luc 2, 41-49
Première exécution 9 janvier 1724 | Texte : Martin Jahn (Mvt 3 ) ; Luc 2, 49 (Mvt 5) ;
Christian Keymann (Mvt 8) ; Anonyme (Mvts 1, 2, 4, 6, 7) ; traduction Guy Laffaille :
1. Mein liebster Jesus ist verloren: O Wort, das mir Verzweiflung bringt, O Schwert, das durch die Seele dringt, O Donnerwort in meinen Ohren. 2. Wo treff ich meinen Jesum an, Wer zeiget mir die Bahn, Wo meiner Seele brünstiges Verlangen, Mein Heiland, hingegangen? Kein Unglück kann mich so empfindlich rühren, Als wenn ich Jesum soll verlieren. 3. Jesu, mein Hort und Erretter, Jesu, meine Zuversicht, Jesu, starker Schlangentreter, Jesu, meines Lebens Licht! Wie verlanget meinem Herzen, Jesulein, nach dir mit Schmerzen! Komm, ach komm, ich warte dein, Komm, o liebstes Jesulein! 4. Jesu, lass dich finden, Lass doch meine Sünden Keine dicke Wolken sein, Wo du dich zum Schrecken Willst für mich verstecken, Stelle dich bald wieder ein! 5. Wisset ihr nicht, dass ich sein muss in dem, das meines Vaters ist? 6. Dies ist die Stimme meines Freundes, Gott Lob und Dank! Mein Jesu, mein getreuer Hort, Läßt durch sein Wort Sich wieder tröstlich hören; Ich war vor Schmerzen krank, Der Jammer wollte mir das Mark In Beinen fast verzehren; Nun aber wird mein Glaube wieder stark, Nun bin ich höchst erfreut; Denn ich erblicke meiner Seele Wonne, Den Heiland, meine Sonne, Der nach betrübter Trauernacht Durch seinen Glanz mein Herze fröhlich macht. Auf, Seele, mache dich bereit! Du musst zu ihm In seines Vaters Haus, hin in den Tempel ziehn; Da lässt er sich in seinem Wort erblicken, Da will er dich im Sakrament erquicken; Doch, willst du würdiglich sein Fleisch und Blut genießen, So musst du Jesum auch in Buß und Glauben küssen. 7. Wohl mir, Jesus ist gefunden, Nun bin ich nicht mehr betrübt. Der, den meine Seele liebt, Zeigt sich mir zur frohen Stunden. Ich will dich, mein Jesu, nun nimmermehr lassen, Ich will dich im Glauben beständig umfassen. 8. Meinen Jesum lass ich nicht, Geh ihm ewig an der Seiten; Christus lässt mich für und für Zu den Lebensbächlein leiten. Selig, wer mit mir so spricht: Meinen Jesum lass ich nicht. | Mon très cher Jésus est perdu : Ô parole qui m'apporte le désespoir, Ô épée qui traverse mon âme, Ô parole de tonnerre dans mon oreille. Où vais-je trouver mon Jésus, Qui me montre le chemin, Où l'ardent désir de mon âme, Mon sauveur, est-il allé ? Aucun malheur ne peut me frapper plus durement, Que la perte de Jésus. Jésus, mon trésor et mon rédempteur, Jésus, ma confiance, Jésus, puissant écraseur de serpent, Jésus, lumière de ma vie ! Comme mon cœur se languit, Petit Jésus, de toi avec chagrin ! Viens, ah viens, je t'attends, Viens, ô très cher petit Jésus ! Jésus, laisse-moi te trouver, Ne laisse pas mes péchés Être de lourds nuages Où, pour mon horreur, Tu serais caché de moi. Apparais encore à moi ! Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ? C'est la voix de mon ami, Louanges et merci à Dieu ! Mon Jésus, mon très cher trésor, Permet, par sa parole, Lui-même d'être entendu avec réconfort ; J'avais des nausées de douleurs, Mon chagrin aurait presque détruit La moëlle dans mes os ; Maintenant, pourtant, ma foi redevient forte, Maintenant je suis dans le plus grand des bonheurs Car je ressens la joie de mon âme, Mon sauveur, mon soleil, Qui après la nuit troublée par la tristesse Par son éclat fait mon cœur se réjouir. Debout, mon esprit, sois prêt ! Tu dois aller à lui, Dans la maison de son Père, dans son temple ; Là il est visible dans sa parole, Là il te rafraîchira dans le sacrement ; Mais si tu veux profiter dignement sa chair et son sang, Alors tu dois embrasser Jésus dans le repentir et la foi Quel bonheur, Jésus est retrouvé, Maintenant je ne suis plus troublé. Lui que mon âme aime Se montre lui-même à moi à ce moment heureux. Ô mon Jésus, je ne te quitterai plus jamais, Maintenant je t'embrasse dans la foi durablement. Je ne laisserai pas Jésus aller, Je marcherai à côté de lui pour toujours ; Christ, pour toujours, Me guidera aux sources de la vie. Béni soit celui qui dit avec moi : Je ne laisserai pas aller Jésus. |
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