dimanche 12 décembre 2021

"Que nous faut-il donc faire ?"




Sophonie 3, 14-20 ; Ésaïe 12 ; Philippiens 4, 4-7 ; Luc 3, 10-18

Luc 3, 10-18
10 Les foules demandaient à Jean : « Que nous faut-il donc faire ? »
11 Il leur répondait : « Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même. »
12 Des collecteurs d’impôts aussi vinrent se faire baptiser et lui dirent : « Maître, que nous faut-il faire ? » 13 Il leur dit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous a été fixé. »
14 Des soldats lui demandaient : « Et nous, que nous faut-il faire ? » Il leur dit : « Ne faites ni violence ni tort à personne, et contentez-vous de votre solde. »
15 Le peuple était dans l’attente et tous se posaient en eux-mêmes des questions au sujet de Jean : ne serait-il pas le Messie ?
16 il leur dit à tous : Moi, je vous baptise d’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu.
17 il a sa pelle à vanner à la main pour nettoyer son aire et pour recueillir le blé dans son grenier ; mais la balle, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
18 Ainsi, avec bien d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

*

« Moi, je vous baptise d’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Lui, il vous baptisera d'Esprit saint et de feu. »

Il y a dans le judaïsme du premier siècle un baptême, qui existe toujours : celui qui accompagne la conversion d’une famille au judaïsme. Lorsqu’une famille se convertit, tous ses membres sont baptisés : les hommes sont circoncis, et tous sont baptisés, hommes, femmes, enfants. Ceux qui naissent après cette conversion ne sont plus baptisés : les garçons sont circoncis, et, estime-t-on, tous et toutes ont été baptisés lors du baptême collectif des parents, grands-parents, aïeuls, etc.

On trouve trace de cette pratique dans l’Église primitive, et notamment chez Paul écrivant aux Corinthiens que les enfants nés d’un parent croyant sont « saints ». La même idée, avec les mêmes termes, est derrière. L’appartenance au peuple de l’Alliance confère une participation à la sainteté du Dieu qui s’est allié avec lui. Ce qui est symbolisé, lors de l’entrée de la famille dans le peuple de l'Alliance, par le baptême. « Vos enfants sont saints », dit Paul aux Corinthiens (1 Co 7, 14).

« Vos enfants sont saints ». Une conviction qui est aussi fort proche du risque que souligne Jean le Baptiste prêchant un baptême de conversion au bord du Jourdain. Rappelons-nous qu’il récuse la prétention de ses auditeurs de se prévaloir d’Abraham pour se dire ipso facto purs ou saints (v. 8) : « Produisez donc des fruits dignes de la repentance, et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père ! Car je vous déclare que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham. »

Ayant dit tout cela, on situe mieux ce qu’il en est de ce baptême, dit « de conversion », qui éveille en écho la question : « Que nous faut-il donc faire ? »… Puisque le mot conversion peut se traduire aussi par « repentir », ou, selon ce mot anglais devenu commun en français, « repentance ». Suivant le latin, le Moyen Âge disait « pénitence ». Autant de traductions approximatives de ce qui est littéralement « changement d’intelligence ». Jean prêchait un baptême de « changement d’intelligence », autrement dit « changement de compréhension ».

Le terme grec traduit le mot hébreu « retour » : retour à Dieu, dans le signe du retour de Babylone à Jérusalem, retour qui supposait la traversée du Jourdain — où Jean baptise. Retour donc de notre exil loin de Dieu — à Babylone. Si le retour géographique a déjà eu lieu, lors du retour d’exil, il reste à l’accomplir de façon spirituelle, à accomplir ce qu’il signifie : retour à Dieu.

À ce point, ayant vu la façon dont se comprenait le baptême — purification, par le passage des idoles — de Babylone — à la sainteté du peuple de l’Alliance — à Jérusalem —, on comprend le sens de ce baptême de retour, de retour à Dieu, dans un changement d’intelligence, un changement de compréhension : vous pensez que le baptême est le rite qui vous a purifiés, ou plus précisément, qui a symbolisé votre purification ?

Quel que soit l’âge où le baptême vous a été administré, ce signe de votre venue à cette pureté qui est d’appartenir à la famille d’Abraham (« vous rendez vos prosélytes pires que vous », dira de même Jésus) — et ici cela nous concerne aussi, héritiers d’Abraham par le Christ — ; si vous pensez que le baptême vous a acquis pureté et sainteté… si vous pensez cela, eh bien ! vous vous trompez vous-mêmes, dit Jean. Changez votre compréhension.

On n’est jamais assez bien purifié, même si on est le peuple avec lequel Dieu s’est allié.

Alors Jean va un peu plus loin avec son baptême de retour à Dieu, de conversion, ou repentance, changement d’intelligence en vue du pardon des péchés. Vous qui prétendez être purs, qui l’avez symbolisé lors de votre entrée dans l’Alliance  vous avez bel et bien besoin de confesser, de reconnaître que vous êtes impurs, « engeance de vipères » (v. 7).

C’est le nouveau sens que prend le baptême avec la prédication de Jean. C’est pour cela que Jean sera tellement gêné à l’idée de baptiser Jésus. Et Jésus qui dit : « laisse faire » ! Non pas que Jésus soit pécheur à l’instar des autres ! Mais il se solidarise avec les autres, nous autres.

Mais du coup, aussi, on voit bien le sens du baptême de conversion, de repentance, de changement d’intelligence qui est celui de Jean, et c’est là que cela nous concerne tous. Si on veut comprendre le message de Jean, changer nos intelligences, vivre ce que Jésus y a vécu pour nous, il nous faut savoir que lorsque nous demandons le baptême pour nous ou pour nos enfants, nous sommes avant tout en train de dire que nous sommes des pécheurs, que nous reconnaissons que nous et nos enfants sommes des pécheurs — et donc de nous solidariser avec toutes et tous.

Depuis Jean, nous devons savoir que c’est cela que nous reconnaissons. Demander un baptême pour soi ou pour ses enfants, c’est dire, à moins de devoir encore écouter Jean et changer encore son intelligence —, c’est dire : je suis un pécheur, moi et les miens, comme tout le monde ; ou en d’autres termes, je n’ai rien, moi et les miens, de brillant, dont je puisse me prévaloir devant Dieu, comme tout le monde dont je suis ipso facto solidaire.

Et ce faisant, il ne faut pas se faire d’illusions : la venue du salut de Dieu, « Lui, celui qui vient après moi, vous baptisera du Saint-Esprit et de feu », la venue du salut de Dieu est au prix du repentir qui fait dire aux foules : « que nous faut-il donc faire ? », sans que l'observance des exhortations, pourtant de haut niveau, par lesquelles Jean répond, ne mette quiconque au niveau du don de Dieu. C'est au mieux une façon de reconnaître qu'il y a une distance réelle entre nous et le salut de Dieu. Reconnaître ce que dira Jésus : Dieu ne sauve que des pécheurs. Et ici la tortuosité — rappelons-nous : « rendez droits ses sentiers », disait Jean citant Ésaïe — la tortuosité ne consiste pas à se savoir tordu, mais à se prétendre droit.

Reconnaître être tordu est le premier pas vers la vie vraie, dans l'espérance du don de l'Esprit saint, feu qui purifie, sens intérieur du baptême. Se prétendre droit est le meilleur moyen de ne pas l’être, et de rester tordu. « Rendez droits ses sentiers ». De la façon suivante : toute montagne, ou même colline — ou même taupinière, pourrait-on ajouter —, tout ce qui se prétend au-dessus des autres ; tout cela sera abaissé. Cela veut dire : humilité, tout simplement. Le salut de Dieu, c’est-à-dire la paix, est établi ainsi.

*

On perçoit ainsi comment le salut de Dieu, qui naît avec la paix de Noël, qui naît tout petit avec l’enfant de la crèche — on perçoit comment ce salut qui naît dans l’humilité vient sur la terre.

L’Avent est l’attente du Christ, et l’attente du Christ consiste à aplanir ses sentiers, comme le prêche le Baptiste…

Jean proclame un baptême de changement d’intelligence pour préparer la venue du Seigneur, la venue de celui qui amène le salut de Dieu en venant d'abord tout petit à Noël. C’est ainsi que « tous verront le salut de Dieu » (v. 6), et qu’il faudra donc bien vivre ensemble pour que règne sur la terre la paix de Noël.

Si le souvenir de notre baptême n’est pas aussi le rappel de la nécessité de ce changement d’intelligence, de la question « que nous faut-il donc faire ? », même à petite mesure ; si la parole vigoureuse de Jean ne vient pas changer notre compréhension des choses, alors Noël risque de ne rester pour nous qu’une affaire tristement consumériste, triste comme le jeune homme riche (Luc 18, 22-23).

Mais nous le savons, Noël est aussi autre chose, où la parole de Jean le Baptiste apparaît comme Bonne Nouvelle : « avec bien d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle », nous dit le texte ; alors, par le don de l'Esprit porté par Jésus Christ, Dieu se donne comme notre consolateur pour que nous venions à celui qui vient à nous comme un enfant pour nous donner sa paix, sans rien nous demander ; que, ravins ou montagnes, nous confessions être impuissants devant notre propre tortuosité. Alors le salut de Dieu s’est approché comme Bonne Nouvelle ; la paix de Noël, est là tout proche, offerte pleinement.

Celui qui vient à Noël nous a précédés, si bien que se dévoile un tout autre niveau de cette conversion, de ce retour selon le sens premier. Il se dévoile comme plénitude, dans l'Esprit saint, de retour à Dieu, feu dévorant et purificateur. Il s’agit de se tourner vers cette lumière, de se tourner vers la lumière qui précède tout ce qui n’en est que l’ombre…

Colossiens 1, 13-20 :
13 Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres
et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour;
14 en lui nous sommes délivrés, nos péchés sont pardonnés.
15 Il est l’image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature,
16 car en lui tout a été créé, dans les cieux et sur la terre, […]
18 Il est le commencement, Premier-né d’entre les morts,
afin de tenir en tout, lui, le premier rang.
19 Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude
20 et de tout réconcilier par lui et pour lui, et sur la terre et dans les cieux […].

C’est encore l’appel du prophète Ésaïe (60, 1-3) :
1 Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière :
la gloire du SEIGNEUR sur toi s’est levée.
2 Voici qu’en effet les ténèbres couvrent la terre et un brouillard, les cités,
mais sur toi le SEIGNEUR va se lever et sa gloire, sur toi, est en vue.
3 Les nations vont marcher vers ta lumière et les rois vers la clarté de ton lever.


R.P., Châtellerault, 3e dimanche de l'Avent, 12.12.21
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