dimanche 13 février 2022

Résurrection




Ésaïe 6, 1-8 ; Psaume 138 ; 1 Corinthiens 15, 1-11 ; Luc 5, 1-11
Jérémie 17, 5-8 ; Psaume 1 ; 1 Corinthiens 15, 12-20 ; Luc 6, 17-26

1 Corinthiens 15, 1-20
1 Je vous rappelle, frères et sœurs, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés,
2 et par lequel vous serez sauvés si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain.
3 Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais reçu moi-même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures.
4 Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures.
5 Il est apparu à Céphas, puis aux Douze.
6 Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois ; la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts.
7 Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres.
8 En tout dernier lieu, il m’est aussi apparu, à moi l’avorton.
9 Car je suis le plus petit des apôtres, moi qui ne suis pas digne d’être appelé apôtre parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu.
10 Mais ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n’a pas été vaine. Au contraire, j’ai travaillé plus qu’eux tous : non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.
11 Bref, que ce soit moi, que ce soit eux, voilà ce que nous proclamons et voilà ce que vous avez cru.

12 Si l’on proclame que Christ est ressuscité des morts, comment certains d’entre vous disent-ils qu’il n’y a pas de résurrection des morts ?
13 S'il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité,
14 et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi.
15 Il se trouve même que nous sommes de faux témoins de Dieu, car nous avons porté un contre-témoignage en affirmant que Dieu a ressuscité le Christ alors qu’il ne l’a pas ressuscité, s’il est vrai que les morts ne ressuscitent pas.
16 Si les morts ne ressuscitent pas, Christ non plus n’est pas ressuscité.
17 Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés.
18 Dès lors, même ceux qui sont morts en Christ sont perdus.
19 Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.
20 Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts.‭

*

« S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité, et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi. » (1 Co 15, 13-14)

Ce texte affirme un enseignement sur la résurrection qui précède l’événement du dimanche de Pâques, et pas l’inverse ! Ce n’est pas la résurrection du Christ qui induit la réalité de la résurrection, c’est l’inverse : « s’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité ». Cela est essentiel pour la compréhension de la deuxième partie de la phrase : « si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine ».

La notion de résurrection est admise au préalable, bien avant le dimanche de Pâques, dans un pan important du judaïsme de l’époque, que le christianisme naissant rallie sur ce point. L’argumentation relève de la réflexion, de la méditation, notamment dans notre chapitre 15 de cette 1ère Épître aux Corinthiens. L’événement du dimanche de Pâques vient alors corroborer cette conviction argumentée au préalable. Voir aussi Luc 20, 27-38 et l’argumentation de Jésus contre le point de vue différent des Sadducéens.

Argumentation selon les Écritures : « il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures », redit Paul (v. 4). Il s'inscrit ici à la fois dans la lecture qu’a faite Jésus des Écritures (Exode 3), et, avec lui, dans la tradition pharisienne. Ce verset 4, retenu par le symbole de Nicée-Constantinople, avec cette formule, « selon les Écritures », scelle l'accord avec la tradition juive, qui stipule que l’on doit savoir lire (comme l’a fait aussi Jésus) la résurrection dans la Torah pour avoir part au monde à venir. Des maîtres les plus réputés du judaïsme soulignent cela ; le grand commentateur médiéval français, Rachi, précise même que celui qui dit qu’il n’y a aucune allusion à la résurrection dans la Torah, n’a pas part à la résurrection ! Il s'agit donc de méditation, d’argumentation, sachant que la lettre de la Torah semble bien ne pas parler de résurrection. Il s'agit donc d’aller au-delà de cette apparence : si, selon la Torah, le Dieu d’Abraham, d'Isaac et de Jacob est créateur de tout l'être, y compris du corps, son esprit éternel ouvre le salut à tout l’être, à la chair même, rachetée éternellement dans la résurrection.

Voilà qui rejoint par ailleurs la pensée de la Perse, dont les prêtres sont les Mages, avec lesquels le judaïsme a été en dialogue, comme en témoigne déjà le livre de Jérémie (ch. 39), et encore la présence, selon Matthieu (ch. 2), des Mages lors de la naissance de Jésus. Et ce n’est pas pour rien, si ce sont des Mages, précisément, qui sont là.

Le point de vue des juifs et des religieux perses se sépare des développements grecs, qui, contre la notion de résurrection, parlent seulement d’immortalité de l’âme. Si l’on comprend cela, on comprend mieux le débat de Paul avec les philosophes d’Athènes (Actes 17, 16-34), véritable tentative de dialogue argumenté de l’Apôtre avec, selon le texte, stoïciens et épicuriens, et non pas postulat de foi contre réflexion rationnelle.

Un philosophe du XXe siècle, Henry Corbin (dans Temps cyclique et gnose ismaélienne, Berg, p. 12-13.), décrit très bien la différence de ces deux approches, philosophiques l’une comme l’autre. Parlant de la pensée de la Perse (qui est très proche, on va le voir, de celle du pharisien Paul), Henry Corbin écrit qu’il faut se garder de réduire chez les Perses le contraste entre monde céleste et monde terrestre à un schéma grec opposant esprit et matière. Pour les Perses, dit-il, il ne s'agit pas de cela, il ne s'agit pas d'une opposition entre Idée et Matière. Il est question en premier lieu d’un état céleste, invisible, spirituel, mais parfaitement concret, et d’un état terrestre visible, matériel certes, mais d'une matière qui en soi est toute lumineuse, matière immatérielle par rapport à ce que nous connaissons. Car l’état terrestre ne signifie nullement déchéance, mais achèvement et plénitude. L'état d'infirmité, l’état de moins d'être et de ténèbres que représente la condition actuelle du monde matériel, tient non pas à sa condition matérielle comme telle, mais au fait qu'il soit la zone d'invasion des Contre-Puissances démoniaques, le théâtre et l'enjeu d’une lutte. L’étranger à cette Création n'est pas le Dieu de Lumière, mais le Principe de Ténèbres. La rédemption fera éclore le “corps à venir”, le corps de résurrection.

On ne peut que reconnaître là l’argumentation de Paul, qui se poursuit dans la distinction qu’il fait entre le corps animal et le corps spirituel, illustrée par la distinction entre les corps terrestres et les corps stellaires, etc. (1 Co 15, 35-47), ce que l’on retrouve aussi bien dans la philosophie perse que dans les méditations des maîtres du judaïsme.

*

Aussi, il est insuffisant de dire que le dimanche de Pâques n’est qu’une réponse au vendredi saint. Il est plus insuffisant encore de réduire l’événement du dimanche de Pâques à une façon imagée de dire l’espérance plus forte que la mort ! Bien plus que cela, l’événement du dimanche de Pâques est la manifestation dans le temps de cet aspect essentiel de la Création : réalité visible, mais à fondement spirituel invisible ; la résurrection est l’avènement de la résolution de la fracture de l’univers, elle est réparation du monde, réparation qui passe au cœur de nos vies scindées en un corps terrestre qui se corrompt (1 Co 15, 43-44) et un corps tout aussi réel, mais qui fonde le premier, réalité incorruptible et éternelle manifestée dans le temps par la résurrection du Christ (1 Co 15, 47-54) !

Un tel fondement spirituel nous renvoie au ch. 13 de cette même épître, où il est question de la foi, de l’espérance et de l’amour ; et où l'amour comme plus grande de ces trois choses s’avère être le fondement spirituel invisible de toutes choses ; où l’amour n’est pas seulement le don, le fait de donner, pas même le don de soi (quand je donnerai le tout de moi-même, même mon corps, si je n'ai pas l’amour je ne suis rien, 1 Co 13, 3), mais ce qui fonde tout, qui est en dessous même de tout don. En grec, ce qui est en dessous est ce qui a donné en français substance, littéralement : « ce qui est en dessous ». Eh bien c’est le mot qu'emploie l'Épître aux Hébreux pour parler de la foi comme espérance du monde à venir. Hé 11, 1, « la foi est la substance des choses que l'on espère ».

Si la notion de résurrection relève bien de la réflexion philosophique, la réception de l’événement du dimanche de Pâques relève de la foi en l'avènement de ce monde dont on espère la réalisation, l’espérance la recevant dès aujourd'hui de la foi en ce que proclament les Apôtres : « Christ est ressuscité », prémices de l'avènement du monde de la résurrection conçu dans la méditation de la Torah, c’est-à-dire « selon les Écritures ». C’est ainsi que (v. 13-14) si les morts ne ressuscitent pas, Christ n’étant donc pas non plus ressuscité !, les Apôtres parlent pour ne rien dire, et notre foi est vide, vaine, elle porte sur rien !

En revanche, dans l’avènement du monde de la résurrection déjà advenu par la résurrection du Christ et reçu par la foi, pointe le jour de la promesse (1 Co 15, 54-55) : « Quand donc cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture (cf. Osée 13, 14) : La mort a été engloutie dans la victoire. Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? »


RP, Poitiers, 6.02.2022
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Châtellerault, 13.02.22
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