dimanche 8 avril 2012

Pâques — le passage




Actes 10, 34-43 ;Psaume 118, 1-20 ; 1 Corinthiens 5, 6-8 ; Jean 20, 1-9

Jean 20, 1-9
1 Le premier jour de la semaine, à l'aube, alors qu'il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
2 Elle court, rejoint Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: " On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis. "
3 Alors Pierre sortit, ainsi que l'autre disciple, et ils allèrent au tombeau.
4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
5 Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n'entra pas.
6 Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là
7 et le linge qui avait recouvert la tête; celui-ci n'avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit.
8 C'est alors que l'autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau; il vit et il crut.
9 En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d'entre les morts.

*

Pâques est passage et passion. Pour la tradition juive, la Pâque est la commémoration et l'actualisation de la sortie d’Égypte. Depuis l'Exode, la fête au cours de laquelle un agneau est sacrifié, rappelle le temps où le peuple était épargné de la mort qui frappait la puissance asservissante, l'Égypte de Pharaon, et rappelle que ce temps, c'est aujourd'hui !

Le peuple vivait le passage de l'esclavage à l'espérance en traversant la mer à pied sec, passage auquel nous sommes appelés aujourd'hui tout à nouveau.

Le mot hébreu qui indique un passage, un saut, a été rendu en grec par un terme sonnant de façon ressemblante, mais qui contient en outre une autre idée, celle de souffrance subie, de passion.

Or voici que « Christ, notre Pâque, a été immolé » (1 Corinthiens 5, 7), souffrant, comme par un nouvel Exode, le passage de la mort à la vie de la Résurrection. Passé avec nous de la vie à la mort, de la vie temporelle au tombeau, pour que nous passions avec lui de la mort à la vie, du tombeau à la résurrection pour la vie d'éternité.

C'est de cet autre esclavage, le péché, par lequel la mort a trouvé son règne (Romains 5, 21), que la passion du Christ nous libère pour nous mener à la vie nouvelle.

C'est pourquoi il nous affirme : « celui qui écoute ma parole et qui croit en celui qui m'a envoyé... est passé de la mort à la vie » (Jean 5, 24).


Le tombeau vide

Ce passage de la mort à la vie est participation à la résurrection du Christ dont Marie de Magdala, au dimanche de Pâques, découvre le signe, le tombeau vide.

Tout est renversé : la voilà partie, le shabbath passé, pour se recueillir sur un mort — pour un embaumement, précisent Marc et Luc. Mais il n'y a plus de corps dans la tombe ! Et elle n'ose pas encore saisir : « on a enlevé du tombeau le Seigneur », dira-t-elle à Pierre. Et elle persistera dans cette idée, puisque, dans ses larmes, c'est encore ce qu'elle dira aux anges (v. 11-14). Et elle ne pourra pas reconnaître Jésus ressuscité avant qu'il ne l'appelle par son nom (v. 14-16).

On entre dans un monde nouveau, attesté par de simples signes : on a roulé la pierre qui fermait le sépulcre pour qu'il apparaisse qu'il est bien vide. Restent les bandelettes qui entouraient le corps, et le suaire qui en couvrait la tête. C'est le constat de Pierre, qui marquant un second temps, à la suite de Marie de Magdala, n'ose pourtant pas non plus franchir le pas.

C'est elle pourtant qui devient premier témoin du passage de la mort à la vie, de « l'engloutissement de la mort dans la victoire », selon l'expression de Paul, courant vers les Apôtres, qui s'apprêtent à rentrer vers la Galilée (cf. Matthieu et Marc) — leur pèlerinage à Jérusalem étant terminé, et terminé de quelle façon : le Maître est mort ! À présent, ils s'en retournent dans leur chez eux de Jérusalem, restant dans la peur (v. 19) ! Ils n'ont « pas encore compris l'Écriture, selon laquelle Jésus devait ressusciter d'entre les morts » (v. 9). Un autre disciple, cependant, troisième temps après Marie et Pierre, ayant « vu » les mêmes signes : tombeau vide, linge et bandelettes, croit (v.8).


La victoire sur la mort

Au-delà des signes, une réalité inouïe : on est passé au-delà de la mort, « la mort est engloutie ». Le combat du Christ a été un combat victorieux : Dieu l'atteste par sa résurrection. Dieu justifie la solidarisation de son Fils avec le peuple asservi au péché et à la mort, son aboutissement.

La cessation de la mort sera bientôt universelle, comme a une portée universelle cette glorification de Jésus. Dieu scelle ce qu'il avait été donné à trois disciples de connaître lors de l'épisode de la Transfiguration : Jésus est manifesté comme roi de l'univers. Bientôt, tous le sauront, sa Présence universelle apparaîtra aux yeux de tous.

Car c'est bien sa présence universelle qui est annoncée dans sa résurrection : la mort ne peut le retenir, il emplit l'univers, apparaissant autant à Jérusalem, qu'en Galilée, vers Damas (Actes 9), ou ailleurs.

C'est tellement inouï, incroyable, que l'on verra rouler la pierre du tombeau (non pour que le Ressuscité puisse sortir ! Une pierre ne saurait le retenir !) — pour desceller l'incroyable de l'événement.

Présence universelle à l'espace et au temps : il emplit tous les lieux, il emplit aussi tous les temps : c'est lui qui abreuvait les pères au désert (1 Corinthiens 10, 4), c'est lui que considérait Moïse, préférant son humiliation aux trésors de l'Égypte (Hébreux 11, 26), c'est lui qu'Abraham a contemplé (Jean 8, 56).

Il est présent à tous les temps et à tous les lieux : il est Un avec Dieu (Jean 10, 30), de la même nature que Dieu (Jean 1, 1). C'est cela qu'atteste sa résurrection : c'est ainsi que les Apôtres peuvent affirmer qu'il est celui qui fonde l'univers, celui par qui tout a été fait (Jean 1, 2 ; Colossiens 1, 16).

C'est là un peu de ce qu'enseigne la résurrection, et qui ne sera pleinement manifesté que dans sa venue en gloire. Vérité qui reste cachée jusqu'à ce jour : l'Ascension l'a dérobé à nos yeux (Actes 1, 9), jusqu'au jour où « Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). Le Christ ressuscité, le Christ-Roi, entré dans son éternité, participe de l’Éternité de Dieu.


Ressuscités avec Christ

En l'espérance du jour où « Dieu sera tout en tous », jour de la manifestation de la présence universelle du Maître, les Apôtres seront chargés d'annoncer ce mystère à la foi des hommes, puis après eux, nous qui avons cru avec eux. C'est cette foi par laquelle nous entrons dans la participation à la résurrection du Christ, par effet de ce qu'il a partagé notre exil dans la mort.

Car pour nous, lorsque les Écritures nous parlent de deux résurrections, correspondant à deux morts, il nous y est signifié qu'à côté de la dimension totale — englobant nos corps — de la mort et de la résurrection, il est une première mort, une dimension spirituelle de la mort, pour laquelle mort et résurrection ont une portée réelle dans nos vies présentes.

Cette mort et cette résurrection spirituelles ont un rapport étroit avec l'annonce de l'Évangile, puisque la foi, la confiance en la faveur de Dieu, nous fait accéder dès aujourd'hui au statut de ressuscités, nous fait « passer de la mort à la vie », rend réelle dès « ici-bas » la naissance d'Éternité.

C'est là la résurrection telle qu'elle prend place dès aujourd'hui dans nos vies : la croix du Christ est élévation. « Lorsque j'aurai été élevé de la terre », nous dit Jésus parlant de sa mort (Jean 12:32), « j'attirerai tous les hommes à moi ».

Et « celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort » (Jean 11, 25).

*

Dans la résurrection spirituelle, sous le regard de Dieu nous attestant sa faveur dans le Christ crucifié, s'actualise aujourd'hui notre espérance de la Résurrection qui emportera la terre et les cieux et nos êtres en leur totalité, au Jour de la présence du Christ glorifié.

R.P.
Antibes, Pâques, 08.04.12


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