Sophonie 2, 3 ; 3, 12-13 ; psaume 146 ; 1 Corinthiens 1, 26-31 ; Matthieu 5, 1-12
Matthieu 5, 1-12
Le bonheur — selon ce sens du mot béatitude — est caché, nous dit Jésus ; il est comme la face cachée de nos échecs, de nos fautes et nos gouffres. Cela est au cœur du message que nous livrent les Béatitudes. Le bonheur est la face cachée de nos défaites lorsqu’elles sont reconnues. Cela à l’encontre de l'apparence… qui fascine. Il s’agit alors de veiller !
Nous voilà, en d’autres termes, contraints au refus de la superficialité. Refus du creux, copie superficielle de la vie, qui voudrait que le bonheur ne soit nulle part ailleurs que dans l’aisance matérielle, dans le fait d'être rassasié, dans les réjouissances, dans la considération que nous porte autrui. Jésus enseigne que le bonheur est à peu près le contraire. Tout ce qui brille n'est que clinquant et qui s'y fie rate le bonheur. Ce n’est pas qu'il faille souhaiter la pauvreté, la faim, le deuil, et d'être rejeté et haï !… Mais c’est pourtant pas loin de là que demeure, de façon cachée, la source du bonheur (v. 11-12)…
Où la richesse devient signe de malheur, où les fêtes sont une façon d’engloutir dans le bruit le manque et la soif de vérité. Où les réjouissances deviennent comme des cris étouffés de détresse secrète, cris de la faim de lumière, de présence, de justice. Où les rires ne sont plus que signes éclatants de solitude, comme des masques carnavalesques de larmes prêtes à jaillir… Et le désir d'être bien vu une lâcheté paralysant au fond des cœurs les paroles et les gestes de vérité, cette envie qui tenaille d'être enfin vrais !
Face à cela est cet étrange bonheur des disciples que proclame Jésus ! Un bonheur au-delà des apparences, tout entier dans la participation à la vie de Jésus.
« Heureux les pauvres », « les pauvres en esprit », ou « de cœur », c’est-à-dire les vrais pauvres, pauvres jusqu’au fond d'eux-mêmes,... « car le Royaume des cieux est à eux ». Savoir au cœur son être, de son esprit, qu'il est une insondable misère qu'aucun bien ne saurait réparer : cette connaissance est la clef du Royaume que nul ne peut ravir : Dieu lui-même, que nul ne saurait voir, devient alors notre abondance.
« Heureux ceux qui mènent deuil, car ils seront consolés ». Consolation en ce qu’en Jésus crucifié, les larmes de nos deuils peuvent devenir signe partagé des plaies de « l'Agneau de Dieu », « l'Agneau de Dieu égorgé dès la fondation du monde » (Ap 13, 8) : sceau de Vérité de l'amour de Dieu fondant le monde dans le renoncement.
« Heureux les doux, car ils hériteront de la terre ». En ce monde où il n'est que couteau ou blessure, avoir pour part la blessure, dans le partage du Crucifié, être mort avec lui, est richesse infinie : le monde n'a point prise ici ; la terre et tout ce qu’elle contient est dès lors l’héritage de vies cachées avec le Crucifié : « En lui, tout est à vous », dira l’Apôtre Paul.
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ». Voilà une faim qui cesse par cela même qu'elle est connue. Dans tout ce dont on a faim, tout ce qui nous attire, il n'est au fond qu'une réalité, que tout ne dévoile que de façon parcellaire, la dévorante Vérité de Dieu, qui s'y cache, et de sa justice. Qui sait que telle est sa faim en connaît déjà le rassasiement : « à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».
« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ». Ici la rencontre du Crucifié est d’entrer dans la douleur ou la faiblesse de ceux que Dieu a aimés, jusqu'à en partager la plaie. Comme Jésus ! Et comme lui on est certes rarement au bénéfice de la miséricorde de ceux qu'il a rejoints dans leur peine ; mais — seule consolation — il s’agit d’être, avec le Christ souffrant, au bénéfice de la miséricorde qu’il connaît, dans le regard de Dieu.
« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ». Un cœur miroir sans fond de l'invisible, celui que nul n'a jamais vu, et qui vient dans le Christ.
« Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». Une paix sans faux-semblants, qui ne dit point « paix, paix, quant il n'y a point de paix » ; procurer la paix, celle du Christ, qui ouvre les portes de la paix que le monde ne connaît pas.
« Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le Royaume de Dieu est à eux ». « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ». Chercher la Vérité, la dire et s’y tenir. Quiconque voudra servir le prochain, même égaré, sera persécuté, car la vérité dérange ; et aura pour consolation d’être dans la justice de la vérité : là est son étrange richesse.
Face au malheur, qui est d'être privé de la pleine jouissance de Dieu, trop immense pour que l'on puisse la recevoir en plénitude, le bonheur d’être disciple — les béatitudes — conduit sur les rivages de la joie que Dieu seul peut combler.
Et se dévoile ainsi en Jésus-Christ le Fils de l'Homme source toujours plus abondante de cet infini de bonheur. Y a-t-il autre chose que bénédiction, étrange signe de bonheur, dans le fait d'être traité comme l'étaient les prophètes du passé et tous les témoins de la Vérité, ignorés et méprisés, parce que les hommes, aveugles, ignoraient et craignaient cette Vérité à même de faire leur bonheur ?
Les Béatitudes sont ce bonheur caché, sous le visage du Christ abandonné, dans l'intimité de Dieu, caché dans une éternité qui fait peu cas des apparences. Et pourtant à même de fonder un bonheur sans limites.
Matthieu 5, 1-12
1 À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
2 Et, prenant la parole, il les enseignait :
3 « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux.
4 Heureux les doux : ils auront la terre en partage.
5 Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.
7 Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.
8 Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.
9 Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux.
11 Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.
12 Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ; c’est ainsi en effet qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. »
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Le bonheur — selon ce sens du mot béatitude — est caché, nous dit Jésus ; il est comme la face cachée de nos échecs, de nos fautes et nos gouffres. Cela est au cœur du message que nous livrent les Béatitudes. Le bonheur est la face cachée de nos défaites lorsqu’elles sont reconnues. Cela à l’encontre de l'apparence… qui fascine. Il s’agit alors de veiller !
Nous voilà, en d’autres termes, contraints au refus de la superficialité. Refus du creux, copie superficielle de la vie, qui voudrait que le bonheur ne soit nulle part ailleurs que dans l’aisance matérielle, dans le fait d'être rassasié, dans les réjouissances, dans la considération que nous porte autrui. Jésus enseigne que le bonheur est à peu près le contraire. Tout ce qui brille n'est que clinquant et qui s'y fie rate le bonheur. Ce n’est pas qu'il faille souhaiter la pauvreté, la faim, le deuil, et d'être rejeté et haï !… Mais c’est pourtant pas loin de là que demeure, de façon cachée, la source du bonheur (v. 11-12)…
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Où la richesse devient signe de malheur, où les fêtes sont une façon d’engloutir dans le bruit le manque et la soif de vérité. Où les réjouissances deviennent comme des cris étouffés de détresse secrète, cris de la faim de lumière, de présence, de justice. Où les rires ne sont plus que signes éclatants de solitude, comme des masques carnavalesques de larmes prêtes à jaillir… Et le désir d'être bien vu une lâcheté paralysant au fond des cœurs les paroles et les gestes de vérité, cette envie qui tenaille d'être enfin vrais !
Face à cela est cet étrange bonheur des disciples que proclame Jésus ! Un bonheur au-delà des apparences, tout entier dans la participation à la vie de Jésus.
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« Heureux les pauvres », « les pauvres en esprit », ou « de cœur », c’est-à-dire les vrais pauvres, pauvres jusqu’au fond d'eux-mêmes,... « car le Royaume des cieux est à eux ». Savoir au cœur son être, de son esprit, qu'il est une insondable misère qu'aucun bien ne saurait réparer : cette connaissance est la clef du Royaume que nul ne peut ravir : Dieu lui-même, que nul ne saurait voir, devient alors notre abondance.
« Heureux ceux qui mènent deuil, car ils seront consolés ». Consolation en ce qu’en Jésus crucifié, les larmes de nos deuils peuvent devenir signe partagé des plaies de « l'Agneau de Dieu », « l'Agneau de Dieu égorgé dès la fondation du monde » (Ap 13, 8) : sceau de Vérité de l'amour de Dieu fondant le monde dans le renoncement.
« Heureux les doux, car ils hériteront de la terre ». En ce monde où il n'est que couteau ou blessure, avoir pour part la blessure, dans le partage du Crucifié, être mort avec lui, est richesse infinie : le monde n'a point prise ici ; la terre et tout ce qu’elle contient est dès lors l’héritage de vies cachées avec le Crucifié : « En lui, tout est à vous », dira l’Apôtre Paul.
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ». Voilà une faim qui cesse par cela même qu'elle est connue. Dans tout ce dont on a faim, tout ce qui nous attire, il n'est au fond qu'une réalité, que tout ne dévoile que de façon parcellaire, la dévorante Vérité de Dieu, qui s'y cache, et de sa justice. Qui sait que telle est sa faim en connaît déjà le rassasiement : « à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».
« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ». Ici la rencontre du Crucifié est d’entrer dans la douleur ou la faiblesse de ceux que Dieu a aimés, jusqu'à en partager la plaie. Comme Jésus ! Et comme lui on est certes rarement au bénéfice de la miséricorde de ceux qu'il a rejoints dans leur peine ; mais — seule consolation — il s’agit d’être, avec le Christ souffrant, au bénéfice de la miséricorde qu’il connaît, dans le regard de Dieu.
« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ». Un cœur miroir sans fond de l'invisible, celui que nul n'a jamais vu, et qui vient dans le Christ.
« Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». Une paix sans faux-semblants, qui ne dit point « paix, paix, quant il n'y a point de paix » ; procurer la paix, celle du Christ, qui ouvre les portes de la paix que le monde ne connaît pas.
« Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le Royaume de Dieu est à eux ». « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ». Chercher la Vérité, la dire et s’y tenir. Quiconque voudra servir le prochain, même égaré, sera persécuté, car la vérité dérange ; et aura pour consolation d’être dans la justice de la vérité : là est son étrange richesse.
Face au malheur, qui est d'être privé de la pleine jouissance de Dieu, trop immense pour que l'on puisse la recevoir en plénitude, le bonheur d’être disciple — les béatitudes — conduit sur les rivages de la joie que Dieu seul peut combler.
Et se dévoile ainsi en Jésus-Christ le Fils de l'Homme source toujours plus abondante de cet infini de bonheur. Y a-t-il autre chose que bénédiction, étrange signe de bonheur, dans le fait d'être traité comme l'étaient les prophètes du passé et tous les témoins de la Vérité, ignorés et méprisés, parce que les hommes, aveugles, ignoraient et craignaient cette Vérité à même de faire leur bonheur ?
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Les Béatitudes sont ce bonheur caché, sous le visage du Christ abandonné, dans l'intimité de Dieu, caché dans une éternité qui fait peu cas des apparences. Et pourtant à même de fonder un bonheur sans limites.
R.P.
Vence, 30.01.11
Vence, 30.01.11
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