Actes 10, 34-43 ; Psaume 118, 1-20 ; Colossiens 3, 1-4 ; Matthieu 28, 1-10
Matthieu 28, 1-10
1 Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie vinrent voir le sépulcre.
2 Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre : l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus.
3 Il avait l’aspect de l’éclair et son vêtement était blanc comme neige.
4 Dans la crainte qu’ils en eurent, les gardes furent bouleversés et devinrent comme morts.
5 Mais l’ange prit la parole et dit aux femmes : "Soyez sans crainte, vous. Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié.
6 Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit; venez voir l’endroit où il gisait.
7 Puis, vite, allez dire à ses disciples : Il est ressuscité des morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. Voilà, je vous l’ai dit."
8 Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : "Je vous salue." Elles s’approchèrent de lui et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui.
10 Alors Jésus leur dit : "Soyez sans crainte. Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront."
Colossiens 3, 1-4
1 Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ;
2 fondez vos pensées en haut, non sur la terre.
3 Vous êtes morts, en effet, et votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu.
4 Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire.
*
« Votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu », écrit l’Apôtre.
Qu’est-ce qui nous constitue, que sommes-nous en réalité ? En réponse à cette question, nous confondons aisément notre être avec notre enveloppe temporelle.
Une enveloppe temporelle dont nous nous dépouillons déjà, au jour le jour de son vieillissement ; une enveloppe, qui s’use de toute façon, qui se dégrade de jour en jour ; jusqu’au moment où il faudra la quitter comme un vêtement qui a fait son temps (selon une image de Paul).
Que dit l’Ange aux femmes dans la clarté du dimanche de Pâques ? « Il n’est pas ici ». Et pour qu’on ne s’y trompe pas, le corps, de toute façon, n’est pas là. Ce corps, cette enveloppe, qu’il a dépouillée à la croix. « Recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ », confirmera l’Apôtre.
Il a dépouillé le corps temporel, provisoire, douloureux, et il s’est relevé d’entre les morts. Et pour que cela soit bien clair, le tombeau est vide : l’Ange en roule la pierre pour que nous n’y restions pas. Il vous précède en Galilée. La mission commence où demeurent les vôtres, les êtres humains, elle est où vous êtes envoyés, pas autour d’un tombeau.
*
« Il n’est pas ici » : c’est ce qu’a dit l’Ange aux embaumeuses. Allez chez vous, allez au bout du monde, dans la Cité terrestre, il vous y précède. Parce que ce qui vaut pour lui, et c’est là que son relèvement d’entre les morts est aussi un dévoilement, une révélation ; ce qui vaut pour lui, vaut, en lui, aussi pour nous.
« Votre vie est cachée avec Christ en Dieu ». « Vous êtes ressuscités avec le Christ. » Notre vrai être n’est pas dans nos lambeaux de corps, mais en haut, avec lui, à la droite de Dieu.
Ce qui ne rend pas nos corps temporels insignifiants. Ils sont la manifestation visible de ce que nous sommes de façon cachée, en haut. Et le lieu de la solidarité. Le corps que le Christ s’est vu tisser dans le sein de la Vierge Marie manifeste dans notre temps ce qu’il est définitivement devant Dieu, et qui nous apparaît dans sa résurrection.
Il est un autre niveau de réalité, celui qui apparaît dans la résurrection. Or nous en sommes aussi, à notre tour de façon cachée. C’est cet autre niveau qu’il nous faut rechercher, pour y fonder notre vie et notre comportement dans le provisoire.
« Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire », promet l’Apôtre.
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Vous connaissez la tradition de la souris : la souris qui vient emporter la dent de lait qu’a perdue l’enfant. Nos dents de lait (et nos dents d’adultes) sont-elles une partie de nous-même ? Réponse spontanée et irréfutable : oui, bien sûr ! Ah ! bon ? Quand on perd une dent, une partie de notre être part-elle avec la dent ? Réponse tout aussi irréfutable : non évidemment !
Au matin, la dent emportée par la souris n’est plus là, remplacée par la promesse d’un lendemain de grand. Avec un cadeau, déposé à la place de la dent par la souris ; la souris qui par là, tel l’Ange du dimanche de Pâques, dit ainsi silencieusement à l’enfant : ne cherche plus ta dent, ton passé d’enfant est un peu mort cette nuit avec elle ; mais console-t-en par ce cadeau, et pars pour demain : ta vraie vie est cachée dans ton demain.
La caravelle de Peter Pan, l’enfant qui ne voulait pas quitter l’enfance, s’envole irrémédiablement. Et les combats à la recherche d’un tombeau vide ne sont qu’autant de duels contre le capitaine Crochet du monde imaginaire ; autant de poursuites d’une dent que la souris a définitivement emportée.
Mais que dégâts ont fait de tels combats, que de sang et de larmes à la recherche d’un hier révolu. Que de combats semblables ne menons-nous pas jusqu’à aujourd’hui !
Et pourtant, elle nous est donnée, cette parole : « recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ; fondez vos pensées en haut, non sur la terre. Vous êtes morts, en effet, et votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. »
Lorsqu’au matin de Pâques, les femmes ont reçu ce signe : « le corps n’était pas là » ; le signe est accompagné de cette parole, il prend sens de cette parole, comme le pain et le vin prennent sens des paroles qui les accompagnent – il vous précède en Galilée, sur vos routes humaines. Ici ce n’est pas la souris, mais Dieu lui-même qui donne ce signe.
Alors désormais, « recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ; fondez vos pensées en haut ». C’est-à-dire, contrairement à ce que laissent à penser certaines traductions : non pas : vivez en haut, comme dans les nuages de lendemains qui chantent, mais poursuivez votre route terrestre forts de ce que vous pouvez désormais fonder vos pensées en haut, dans la foi à la résurrection de Jésus.
Ni cadavre au tombeau ni caravelle de Peter Pan. Vous êtes morts avec Jésus et ressuscités avec lui. Ni cadavre au tombeau ni nostalgie dans l’imaginaire d’un passé qui ne reviendra pas.
« Votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. » C’est à ce niveau de réalité-là qu’est notre vrai être. Vivre du mont de la transfiguration, où déjà avant Pâques, s’était manifesté le Christ de la résurrection, pour marcher sur les routes du provisoire.
Que Dieu nous donne aujourd’hui de percevoir la présence du Ressuscité, et d’en concevoir le bonheur qu’ont connu les Apôtres au mont de la transfiguration. Et puisqu’on ne plante pas de tente au mont de la transfiguration, d’aller vers nos Galilée où nous précède le Ressuscité.
R.P.
Vence, Pâques, 24.04.11
Vence, Pâques, 24.04.11
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