Actes 1.1-11 ; Psaume 47 ; Hébreux 9.24-28 & 10.19-23 ; Luc 24.46-53
Actes 1, 3-7
Luc 24, 46-53
« Plusieurs verront le Règne de Dieu venir avec puissance, avant même leur mort » avait dit Jésus avant (et à propos de) sa Transfiguration dans ce même Évangile (Luc 9, 27). Et voilà que, plus tard, la venue éternelle du Règne semble toujours à nouveau différée…
Voilà que dans l’Ascension, comme dans la crucifixion, celui en qui vient le Règne de Dieu est « enlevé » (Luc 24, 51 / Actes 1, 2). « Vous ne me verrez plus », disait Jésus de sa mort, puis « encore un peu de temps et vous me verrez », disait-il de sa résurrection (Jean 16, 16).
« Vous ne me verrez plus » — ce que confirme à nouveau l’Ascension : « une nuée le déroba aux yeux » des disciples (Actes 1, 9). « Puis vous me verrez encore » : écho à la résurrection, où les disciples retrouveraient leur Seigneur ; mais maintenant pour plus tard, à la venue en gloire — dont l’espérance dit que tout en étant « au milieu de vous », « le Royaume de Dieu ne vient pas de façon à frapper les regards » (Luc 17, 20). Et donc encore moins à la force de nos actions, pour ne rien dire de celle de l’épée ! — : aucune légitimité d’un règne d’une religion, ou de l’Église de celui dont le Règne n’est pas de ce temps…
L’Ascension, comme le départ par la mort — du crucifié —, est tout d’abord la marque de son absence : son élévation à la droite de Dieu n’est pas comme un déplacement qui conduirait le Christ à une droite de Dieu « spatiale » ! Dieu est dans un au-delà infini : une élévation comme déplacement d’ici à ailleurs durerait indéfiniment ! Et puis Dieu est universellement présent : la droite de Dieu est partout, comme les cieux des cieux ne peuvent le contenir ! Et le Christ ressuscité emplit lui-même corporellement toutes choses.
L’Ascension est un départ, déjà signifié par la Croix.
Dans le départ du Christ, c’est une réalité essentielle de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent, il est aussi comme le Père, radicalement absent, caché.
Le Christ entre dans le règne de celui que nul n’a jamais vu (Jn 1, 18), et se retire, voilé dans une nuée (cf. l’Exode). Et voilà qu’ici-même, en tous ces signes apparemment négatifs, s’est inscrite cette promesse (Jn 17, 7) : « il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, l’Esprit saint ne viendra pas »…
Concernant le Christ, ce départ, et cette absence — « vous ne me verrez plus » — fait écho au rituel biblique qui exprime cela — « vous ne me verrez plus » — par le voile du Tabernacle et du Temple, derrière lequel ne vient que le seul grand prêtre, une seule fois l'an.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l'explique l'Épître aux Hébreux relisant l'Exode (25, 40). Temple céleste dans lequel officie le Christ, selon l'Épître. « Car le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu » (Hé 9, 24) — face invisible de la croix. C'est dans ce lieu très saint céleste qu'il est entré par son départ, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension : le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée.
Il nous quitte, donc — mais ne nous laisse pas orphelins. L’Esprit saint nous communique son impalpable présence au-delà de l'absence. C'est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus. Nous laissant la place, il nous permet alors de devenir ce pour quoi Dieu nous a créés.
« Pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? » (Ac 1, 11)… Que faire, alors, dans ces temps d'absence ? Devenir ce pour quoi nous sommes faits, en marche vers le Royaume. L’Ascension nous dit que s’ouvre pour nous à présent une nouvelle étape du projet de Dieu… Ouvrant dès à présent sur la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3).
C’est, concrètement, à une dépossession de ce à quoi nous sommes attachés que nous sommes appelés — dite ici en termes de repentance en vue du pardon, valant jusqu’à toutes les nations (Luc 24, 47). Or cette repentance, comme dépossession, correspond précisément à l'action mystérieuse de Dieu dans la création, jusqu’au jour éternel de la résurrection. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos. Dieu s'est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s'en va pour que vienne l'Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu pour la résurrection.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissance, du cœur de cet abattement, reconnaissance de tout ce que sa présence, de ce que tous ses dons, de ce que tous les jours de joie nous ont octroyé. C’est alors, alors que nous sommes sans force, que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est-il dit à Paul (2 Co 12, 9).
En se retirant, ultime humilité, ultime pudeur à l'image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour que jusqu’au jour où il faut nous retirer à notre tour, nous devenions, par l'Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée.
Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres ou en croyant aux étiquettes que l’on nous colle, ou que nous nous collons nous-mêmes, mais ce que nous sommes vraiment, devant Dieu et qui paraît pleinement au jour de la résurrection.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s'est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous concevons de nous-mêmes.
Le Christ lui-même s'est retiré, entrant dans son règne pour nous laisser notre place, pour que l'Esprit vienne nous animer, cela à l'image de Dieu entrant dans son repos pour laisser le monde être. C'est ainsi que se complète notre création à l'image de Dieu, que se constitue notre être de résurrection. Et pour le temps en ce monde qui nous est imparti, demeure sa promesse : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).
Actes 1, 3-7
3 Après qu’il eut souffert, [Jésus] apparut vivant [à ses disciples], et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.
4 Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s'éloigner de Jérusalem, mais d'attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il ;
5 car Jean a baptisé d'eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint Esprit.
6 Alors les apôtres réunis lui demandèrent : Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d'Israël ?
7 Il leur répondit : Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité.
Luc 24, 46-53
46 Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait des morts le troisième jour,
47 et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.
48 Vous êtes témoins de ces choses.
49 Et voici, j’enverrai sur vous ce que mon Père a promis ; mais vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut.
50 Il les conduisit jusque vers Béthanie, et, ayant levé les mains, il les bénit.
51 Pendant qu’il les bénissait, il se sépara d’eux, et fut enlevé au ciel.
52 Pour eux, après l’avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie ;
53 et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu.
*
« Plusieurs verront le Règne de Dieu venir avec puissance, avant même leur mort » avait dit Jésus avant (et à propos de) sa Transfiguration dans ce même Évangile (Luc 9, 27). Et voilà que, plus tard, la venue éternelle du Règne semble toujours à nouveau différée…
Voilà que dans l’Ascension, comme dans la crucifixion, celui en qui vient le Règne de Dieu est « enlevé » (Luc 24, 51 / Actes 1, 2). « Vous ne me verrez plus », disait Jésus de sa mort, puis « encore un peu de temps et vous me verrez », disait-il de sa résurrection (Jean 16, 16).
« Vous ne me verrez plus » — ce que confirme à nouveau l’Ascension : « une nuée le déroba aux yeux » des disciples (Actes 1, 9). « Puis vous me verrez encore » : écho à la résurrection, où les disciples retrouveraient leur Seigneur ; mais maintenant pour plus tard, à la venue en gloire — dont l’espérance dit que tout en étant « au milieu de vous », « le Royaume de Dieu ne vient pas de façon à frapper les regards » (Luc 17, 20). Et donc encore moins à la force de nos actions, pour ne rien dire de celle de l’épée ! — : aucune légitimité d’un règne d’une religion, ou de l’Église de celui dont le Règne n’est pas de ce temps…
L’Ascension, comme le départ par la mort — du crucifié —, est tout d’abord la marque de son absence : son élévation à la droite de Dieu n’est pas comme un déplacement qui conduirait le Christ à une droite de Dieu « spatiale » ! Dieu est dans un au-delà infini : une élévation comme déplacement d’ici à ailleurs durerait indéfiniment ! Et puis Dieu est universellement présent : la droite de Dieu est partout, comme les cieux des cieux ne peuvent le contenir ! Et le Christ ressuscité emplit lui-même corporellement toutes choses.
L’Ascension est un départ, déjà signifié par la Croix.
Dans le départ du Christ, c’est une réalité essentielle de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent, il est aussi comme le Père, radicalement absent, caché.
Le Christ entre dans le règne de celui que nul n’a jamais vu (Jn 1, 18), et se retire, voilé dans une nuée (cf. l’Exode). Et voilà qu’ici-même, en tous ces signes apparemment négatifs, s’est inscrite cette promesse (Jn 17, 7) : « il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, l’Esprit saint ne viendra pas »…
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Concernant le Christ, ce départ, et cette absence — « vous ne me verrez plus » — fait écho au rituel biblique qui exprime cela — « vous ne me verrez plus » — par le voile du Tabernacle et du Temple, derrière lequel ne vient que le seul grand prêtre, une seule fois l'an.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l'explique l'Épître aux Hébreux relisant l'Exode (25, 40). Temple céleste dans lequel officie le Christ, selon l'Épître. « Car le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu » (Hé 9, 24) — face invisible de la croix. C'est dans ce lieu très saint céleste qu'il est entré par son départ, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension : le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée.
Il nous quitte, donc — mais ne nous laisse pas orphelins. L’Esprit saint nous communique son impalpable présence au-delà de l'absence. C'est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus. Nous laissant la place, il nous permet alors de devenir ce pour quoi Dieu nous a créés.
« Pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? » (Ac 1, 11)… Que faire, alors, dans ces temps d'absence ? Devenir ce pour quoi nous sommes faits, en marche vers le Royaume. L’Ascension nous dit que s’ouvre pour nous à présent une nouvelle étape du projet de Dieu… Ouvrant dès à présent sur la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3).
C’est, concrètement, à une dépossession de ce à quoi nous sommes attachés que nous sommes appelés — dite ici en termes de repentance en vue du pardon, valant jusqu’à toutes les nations (Luc 24, 47). Or cette repentance, comme dépossession, correspond précisément à l'action mystérieuse de Dieu dans la création, jusqu’au jour éternel de la résurrection. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos. Dieu s'est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s'en va pour que vienne l'Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu pour la résurrection.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissance, du cœur de cet abattement, reconnaissance de tout ce que sa présence, de ce que tous ses dons, de ce que tous les jours de joie nous ont octroyé. C’est alors, alors que nous sommes sans force, que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est-il dit à Paul (2 Co 12, 9).
En se retirant, ultime humilité, ultime pudeur à l'image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour que jusqu’au jour où il faut nous retirer à notre tour, nous devenions, par l'Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée.
Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres ou en croyant aux étiquettes que l’on nous colle, ou que nous nous collons nous-mêmes, mais ce que nous sommes vraiment, devant Dieu et qui paraît pleinement au jour de la résurrection.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s'est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous concevons de nous-mêmes.
Le Christ lui-même s'est retiré, entrant dans son règne pour nous laisser notre place, pour que l'Esprit vienne nous animer, cela à l'image de Dieu entrant dans son repos pour laisser le monde être. C'est ainsi que se complète notre création à l'image de Dieu, que se constitue notre être de résurrection. Et pour le temps en ce monde qui nous est imparti, demeure sa promesse : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).
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