Actes 5, 27-41 ; Psaume 30 ; Apocalypse 5, 11-14 ; Jean 21, 1-19
Jean 21, 1-19
Face au Ressuscité, qui se présente en cette matinée aux disciples pêchant en vain dans le lac, rayonne cette vérité : notre vrai être n’est pas dans la dépouille de nos êtres temporels, et surtout pas dans la vanité de nos égos, mais notre vie est cachée avec le Christ, en Dieu.
Renoncer à nous-mêmes, telle est l'implication, renoncer à nos forces propres — « qui s’attache à sa vie dans ce monde la perdra, mais qui s’en détache la garde pour la vie éternelle » (Jean 12, 25).
Les forces de Pierre avaient défailli trois fois…
À présent, Pierre, face à Jésus ressuscité lui demandant pour la troisième fois s'il l'aime, est attristé. Quelle est cette tristesse ? Puisque la triple question de Jésus révèle en Pierre celle de la vérité de son amour, un amour fondé cette fois sur celui de Jésus… Trois fois.
« Seigneur, lui [avait] dit Pierre [auparavant], pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant ? Je donnerai ma vie pour toi. En vérité, en vérité, je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m’aies renié trois fois », lui avait répondu Jésus (Jean 13, 37-38).
Puis, plus tard (Jean 18, 15-27) : « Simon Pierre, avec un autre disciple, suivait Jésus. […] L’autre disciple, qui était connu du Grand Desservant, sortit, parla à la femme qui gardait la porte et fit entrer Pierre. La servante qui gardait la porte lui dit : Toi aussi, n’es-tu pas des disciples de cet homme ? Il dit : Je n’en suis point. Les serviteurs et les huissiers, qui étaient là, avaient allumé un brasier, car il faisait froid, et ils se chauffaient. Pierre se tenait avec eux, et se chauffait. […] Simon Pierre était là, et se chauffait. On lui dit : Toi aussi, n’es-tu pas de ses disciples ? Il le nia, et dit : Je n’en suis point. Un des serviteurs du Grand Desservant, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, dit : Ne t’ai-je pas vu avec lui dans le jardin ? Pierre le nia de nouveau. Et aussitôt le coq chanta. »
Écho à cela, trois fois, le Ressuscité demande à Pierre s’il l’aime. On sait qu'en grec dans notre texte, il y a deux mots différents pour dire aimer. Deux fois Jésus emploie le mot agapè, qui signifie chérir. Et Pierre ne répond jamais avec ce mot-là. Il en emploie un autre, phileo qui n'est pas moins fort, mais qui est de l'ordre de la relation, très forte en l'occurrence. Oui, tu sais que l'amour nous lie — telle est la réponse de Pierre, la bonne réponse, qui marque le lien par lequel Pierre s’appuie sur Jésus, sur l'amour de Jésus. C’est ce que Jésus ressuscité veut lui faire dire pour le relever — trois fois : lui posant une troisième fois la question, Jésus emploie cette fois le mot de Pierre, phileo. Sommes-nous en relation d'amitié, d'amour réciproque ? Et Pierre acquiesce une troisième fois.
Et Pierre est triste : il n'avait pas eu la force de le suivre à la croix, il ne pourra plus compter sur lui-même, mais sur un autre, qui le mènera où il n’aurait pas voulu aller, qui le ceindra tandis qu’il étendra les bras…
Mais Jésus a rejoint Pierre en le rejoignant dans ses mots, il a rejoint la crainte et la tristesse de Pierre, en lui disant qu’en effet, il ne pourra que compter sur un autre, lui, Jésus, pour accomplir ce qu’il lui demande : suis-moi, et pais mes brebis. Alors Pierre est prêt.
La tristesse de Pierre porte une connotation très forte : il sait que c'est le don de la vie de son maître, offert à la mort pour l'entrée dans la vie de résurrection qui crée en lui ce que Jésus lui demande : pais mes brebis.
Pierre entrevoit alors sans doute tout le sens de cette tâche de berger en se souvenant de ce que Jésus disait de lui-même, bon berger qui donne sa vie pour se brebis, dont la tâche, qu'il confie à présent à ses disciples, est finalement de conduire les brebis dès à présent dans les pâturages auxquels on accède en passant de la mort à la vie.
Jésus y a accédé alors que Pierre ne pouvait pas le suivre — et il le disait par trois fois, par trois reniements, tel est l'écho qui est dans sa tristesse —, et où il le suivra bientôt, et dès à présent, alors qu' « un autre le ceindra », Jésus lui-même, qui l'appelle à nouveau par trois fois. « Prends soin de mes brebis » insistait le Seigneur.
Un autre te mènera désormais où tu n’aurais pas voulu aller. Pierre jeune fait ce qu'il veut, va où il veut. Ce matin-là encore il se ceint lui-même, pour aller à la rencontre de Jésus (v. 7). Pour Pierre d’abord c'est source de tristesse : renoncer. Mais le Père l'a accueilli, et lui apprendra, au prix de sa tristesse, la joie de la confiance, à être ceint par un autre.
Un jour, et c'est déjà ce jour, il ne fera plus ce qu'il voudra, il n'ira plus où il voudra. Un jour, et c'est dès à présent, il obéira au-delà de toute crainte.
Un autre le ceindra, et le conduira finalement à la suite de son maître, fût-ce à la croix où il n'avait pas pu suivre son maître. Bien plus douloureux que l'engagement et le service que Jésus lui demande aujourd'hui, et qui le conduira peut-être là. Mais ce jour-là, Pierre aura appris cette confiance / obéissance qui vaut mieux que le mot d'agapè qu'il n'a pas eu l’inconscience de prononcer.
Alors, le sens de ce qui vient de se passer lors de la pêche miraculeuse se dévoile : celui que les disciples n'avaient pas encore reconnu comme le Seigneur, un inconnu pour eux, leur a demandé du poisson (v. 5).
Et ils n'ont alors rien, ils n'ont pris aucun poisson.
Mais lui leur a lui-même préparé à manger ! « Une fois descendus à terre, ils virent un feu de braise sur lequel on avait disposé du poisson et du pain. » Ils n’ont pas encore ramené leur pêche à terre lorsque « Jésus leur dit : “Apportez donc ces poissons que vous venez de prendre” » (v. 9-10).
Lorsque ce même inconnu pour eux (ils ne l’ont pas encore reconnu) leur a dit : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous trouverez » — du côté de la lumière, du soleil à son zénith quand au devant est l'Est de ce petit matin —, ils l’ont fait : « ils le jetèrent et il y eut tant de poissons qu'ils ne pouvaient plus le ramener », dit le texte, donnant ensuite un nombre de poissons, 153, où depuis les pères de l'Église, on voit un symbole de la plénitude des peuples.
C’est alors que leur filet s'est rempli à sa parole qu’ils le reconnaissent (v. 7) : le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C'est le Seigneur ! » Pierre est appelé à reconnaître le Seigneur ressuscité, et nous le sommes avec lui, le reconnaître en celles et ceux vers qui il est envoyé ; le Seigneur dont les apparitions cesseront : va, donc, et pais mes brebis. À nouveau les disciples sont prêts à sortir et à monter dans la barque de celui qui les mènera aux extrémités de la Terre.
Jean 21, 1-19
1 Après cela, Jésus se manifesta de nouveau aux disciples sur les bords de la mer de Tibériade. Voici comment il se manifesta.
2 Simon-Pierre, Thomas qu'on appelle Didyme, Nathanaël de Cana de Galilée, les fils de Zébédée et deux autres disciples se trouvaient ensemble.
3 Simon-Pierre leur dit : « Je vais pêcher. » Ils lui dirent : « Nous allons avec toi. » Ils sortirent et montèrent dans la barque, mais cette nuit-là, ils ne prirent rien.
4 C'était déjà le matin ; Jésus se tint là sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c'était lui.
5 Il leur dit : « Enfants, n'avez-vous pas un peu de poisson ? » — « Non », lui répondirent-ils.
6 Il leur dit : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous trouverez. » Ils le jetèrent et il y eut tant de poissons qu'ils ne pouvaient plus le ramener.
7 Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C'est le Seigneur ! » Dès qu'il eut entendu que c'était le Seigneur, Simon-Pierre ceignit un vêtement, car il était nu, et il se jeta à la mer.
8 Les autres disciples revinrent avec la barque, en tirant le filet plein de poissons : ils n'étaient pas bien loin de la rive, à deux cents coudées environ.
9 Une fois descendus à terre, ils virent un feu de braise sur lequel on avait disposé du poisson et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez donc ces poissons que vous venez de prendre. »
11 Simon-Pierre remonta donc dans la barque et il tira à terre le filet que remplissaient cent cinquante-trois gros poissons, et quoiqu'il y en eût tant, le filet ne se déchira pas.
12 Jésus leur dit : « Venez déjeuner. » Aucun des disciples n'osait lui poser la question : « Qui es-tu ? » : ils savaient bien que c'était le Seigneur.
13 Alors Jésus vient ; il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec le poisson.
14 Ce fut la troisième fois que Jésus se manifesta à ses disciples depuis qu'il s'était relevé d'entre les morts.
15 Après le repas, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime », et Jésus lui dit alors : « Pais mes agneaux. »
16 Une seconde fois, Jésus lui dit : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. » Jésus dit : « Sois le berger de mes brebis. »
17 Une troisième fois, il dit : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait dit une troisième fois : « M'aimes-tu ? », et il reprit : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t'aime. » Et Jésus lui dit : « Pais mes brebis.
18 En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu nouais ta ceinture et tu allais où tu voulais ; lorsque tu seras devenu vieux, tu étendras les mains et c'est un autre qui nouera ta ceinture et qui te conduira là où tu ne voudrais pas. »
19 Jésus parla ainsi pour indiquer de quelle mort Pierre devait glorifier Dieu ; et après cette parole, il lui dit : « Suis-moi. »
*
Face au Ressuscité, qui se présente en cette matinée aux disciples pêchant en vain dans le lac, rayonne cette vérité : notre vrai être n’est pas dans la dépouille de nos êtres temporels, et surtout pas dans la vanité de nos égos, mais notre vie est cachée avec le Christ, en Dieu.
Renoncer à nous-mêmes, telle est l'implication, renoncer à nos forces propres — « qui s’attache à sa vie dans ce monde la perdra, mais qui s’en détache la garde pour la vie éternelle » (Jean 12, 25).
Les forces de Pierre avaient défailli trois fois…
À présent, Pierre, face à Jésus ressuscité lui demandant pour la troisième fois s'il l'aime, est attristé. Quelle est cette tristesse ? Puisque la triple question de Jésus révèle en Pierre celle de la vérité de son amour, un amour fondé cette fois sur celui de Jésus… Trois fois.
« Seigneur, lui [avait] dit Pierre [auparavant], pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant ? Je donnerai ma vie pour toi. En vérité, en vérité, je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m’aies renié trois fois », lui avait répondu Jésus (Jean 13, 37-38).
Puis, plus tard (Jean 18, 15-27) : « Simon Pierre, avec un autre disciple, suivait Jésus. […] L’autre disciple, qui était connu du Grand Desservant, sortit, parla à la femme qui gardait la porte et fit entrer Pierre. La servante qui gardait la porte lui dit : Toi aussi, n’es-tu pas des disciples de cet homme ? Il dit : Je n’en suis point. Les serviteurs et les huissiers, qui étaient là, avaient allumé un brasier, car il faisait froid, et ils se chauffaient. Pierre se tenait avec eux, et se chauffait. […] Simon Pierre était là, et se chauffait. On lui dit : Toi aussi, n’es-tu pas de ses disciples ? Il le nia, et dit : Je n’en suis point. Un des serviteurs du Grand Desservant, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, dit : Ne t’ai-je pas vu avec lui dans le jardin ? Pierre le nia de nouveau. Et aussitôt le coq chanta. »
Écho à cela, trois fois, le Ressuscité demande à Pierre s’il l’aime. On sait qu'en grec dans notre texte, il y a deux mots différents pour dire aimer. Deux fois Jésus emploie le mot agapè, qui signifie chérir. Et Pierre ne répond jamais avec ce mot-là. Il en emploie un autre, phileo qui n'est pas moins fort, mais qui est de l'ordre de la relation, très forte en l'occurrence. Oui, tu sais que l'amour nous lie — telle est la réponse de Pierre, la bonne réponse, qui marque le lien par lequel Pierre s’appuie sur Jésus, sur l'amour de Jésus. C’est ce que Jésus ressuscité veut lui faire dire pour le relever — trois fois : lui posant une troisième fois la question, Jésus emploie cette fois le mot de Pierre, phileo. Sommes-nous en relation d'amitié, d'amour réciproque ? Et Pierre acquiesce une troisième fois.
Et Pierre est triste : il n'avait pas eu la force de le suivre à la croix, il ne pourra plus compter sur lui-même, mais sur un autre, qui le mènera où il n’aurait pas voulu aller, qui le ceindra tandis qu’il étendra les bras…
Mais Jésus a rejoint Pierre en le rejoignant dans ses mots, il a rejoint la crainte et la tristesse de Pierre, en lui disant qu’en effet, il ne pourra que compter sur un autre, lui, Jésus, pour accomplir ce qu’il lui demande : suis-moi, et pais mes brebis. Alors Pierre est prêt.
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La tristesse de Pierre porte une connotation très forte : il sait que c'est le don de la vie de son maître, offert à la mort pour l'entrée dans la vie de résurrection qui crée en lui ce que Jésus lui demande : pais mes brebis.
Pierre entrevoit alors sans doute tout le sens de cette tâche de berger en se souvenant de ce que Jésus disait de lui-même, bon berger qui donne sa vie pour se brebis, dont la tâche, qu'il confie à présent à ses disciples, est finalement de conduire les brebis dès à présent dans les pâturages auxquels on accède en passant de la mort à la vie.
Jésus y a accédé alors que Pierre ne pouvait pas le suivre — et il le disait par trois fois, par trois reniements, tel est l'écho qui est dans sa tristesse —, et où il le suivra bientôt, et dès à présent, alors qu' « un autre le ceindra », Jésus lui-même, qui l'appelle à nouveau par trois fois. « Prends soin de mes brebis » insistait le Seigneur.
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Un autre te mènera désormais où tu n’aurais pas voulu aller. Pierre jeune fait ce qu'il veut, va où il veut. Ce matin-là encore il se ceint lui-même, pour aller à la rencontre de Jésus (v. 7). Pour Pierre d’abord c'est source de tristesse : renoncer. Mais le Père l'a accueilli, et lui apprendra, au prix de sa tristesse, la joie de la confiance, à être ceint par un autre.
Un jour, et c'est déjà ce jour, il ne fera plus ce qu'il voudra, il n'ira plus où il voudra. Un jour, et c'est dès à présent, il obéira au-delà de toute crainte.
Un autre le ceindra, et le conduira finalement à la suite de son maître, fût-ce à la croix où il n'avait pas pu suivre son maître. Bien plus douloureux que l'engagement et le service que Jésus lui demande aujourd'hui, et qui le conduira peut-être là. Mais ce jour-là, Pierre aura appris cette confiance / obéissance qui vaut mieux que le mot d'agapè qu'il n'a pas eu l’inconscience de prononcer.
Alors, le sens de ce qui vient de se passer lors de la pêche miraculeuse se dévoile : celui que les disciples n'avaient pas encore reconnu comme le Seigneur, un inconnu pour eux, leur a demandé du poisson (v. 5).
Et ils n'ont alors rien, ils n'ont pris aucun poisson.
Mais lui leur a lui-même préparé à manger ! « Une fois descendus à terre, ils virent un feu de braise sur lequel on avait disposé du poisson et du pain. » Ils n’ont pas encore ramené leur pêche à terre lorsque « Jésus leur dit : “Apportez donc ces poissons que vous venez de prendre” » (v. 9-10).
Lorsque ce même inconnu pour eux (ils ne l’ont pas encore reconnu) leur a dit : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous trouverez » — du côté de la lumière, du soleil à son zénith quand au devant est l'Est de ce petit matin —, ils l’ont fait : « ils le jetèrent et il y eut tant de poissons qu'ils ne pouvaient plus le ramener », dit le texte, donnant ensuite un nombre de poissons, 153, où depuis les pères de l'Église, on voit un symbole de la plénitude des peuples.
C’est alors que leur filet s'est rempli à sa parole qu’ils le reconnaissent (v. 7) : le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C'est le Seigneur ! » Pierre est appelé à reconnaître le Seigneur ressuscité, et nous le sommes avec lui, le reconnaître en celles et ceux vers qui il est envoyé ; le Seigneur dont les apparitions cesseront : va, donc, et pais mes brebis. À nouveau les disciples sont prêts à sortir et à monter dans la barque de celui qui les mènera aux extrémités de la Terre.
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