mercredi 25 décembre 2019

Au pays de l'ombre, une lumière resplendit




Ésaïe 52.7-10 ; Psaume 98 ; Hébreux 1.1-6 ; Jean 1.1-18
24/12 — Joyeux Noël !
Ésaïe 9, 1 & 5
1 Le peuple qui marchait dans les ténèbres
voit une grande lumière.
Sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre,
une lumière resplendit.
[…]
5 Car un enfant nous est né,
un fils nous est donné.
La souveraineté est sur ses épaules.
On proclame son nom :
« Admirable, Conseiller, Dieu puissant,
Père éternel, Prince de la paix. »

Luc 2, 1-6
1 Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier.
2 Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville ;
4 Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David,
5 pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva […].

*

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière. »

Toutes choses ont commencé ainsi : dans une Parole qui fait venir le monde des ténèbres à la lumière — « que la lumière soit, et la lumière fut » (Genèse 1, 3) ; Parole créatrice qui a fondé un chaos de 13, 8 milliards d’années pour le faire naître au jour dans la lumière créatrice ; une Parole qui résonne dans le temps du récit de la Genèse selon la tradition juive il y a 5780 ans.

Et à nouveau la promesse d’Ésaïe : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière. » Ce texte lu à Noël nous rappelle que cette même Parole qui fait sortir la vie des ténèbres est à nouveau au recommencement de toute chose, il y a maintenant 2019 ans. Car ce que dit cette seconde date, c’est que le monde, qui n’est pas pleinement sorti de la nuit, est appelé — comme la fête juive de Hanoukka en donne, en ces jours même, l’espérance —, notre monde est appelé à renaître, à accéder à sa plénitude en paraissant en pleine lumière.

C’est cette espérance séculaire de la venue de la lumière de la délivrance, signifiée par toutes les fêtes de lumière des différents cultes, qui s’est ouverte à Noël.

L'origine la plus vraisemblable du mot Noël serait dans le gaulois noio hel signifiant « nouveau soleil ». Les origines de la fête s’enracinent dans les célébrations de la lumière, comme le culte du « soleil invaincu » chez les Romains et les autres fêtes de solstice des pays nordiques. Avant la réforme du calendrier par Jules César, le solstice d’hiver correspondait au 25 décembre du calendrier romain et les festivités ont continué de se tenir à cette date même après que le solstice eût correspondu au 21 décembre du calendrier julien.

C’est cette espérance d'une lumière nouvelle qui nous a rejoints à la crèche de Bethléem, une mangeoire d’animaux. Ici, comme nouveau soleil, c'est à la Parole créatrice qu’il est fait référence, et à la lumière qui en est le premier effet. Une lumière qui précède toute lumière.

Celle du soleil vient ensuite (au 4e jour selon la Genèse. Elle ne fait que commencer à naître selon le temps du solstice d’hiver) : mais la lumière que nous célébrons nous est donnée comme la vraie lumière, qui éclaire tout être humain venant dans le monde (Jn 1, 9).

Un monde extrait des ténèbres qui précèdent cette Parole illuminatrice. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière. » — « Car un enfant nous est né, un fils nous est donné. »

Luc 2, 7-14
7 Marie accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes.
8 Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau.
9 Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte.
10 L’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :
11 Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ;
12 et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
13 Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait :
14 « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »

C’est en cette Parole créatrice qu’est « la lumière du monde » (Jean 8, 12), avant la lumière naturelle (Jean 1, 9-10). Lorsqu'elle s'exprime, la lumière apparaît : « Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut » (Genèse 1, 3). Cette vraie lumière est la lumière spirituelle dans laquelle le monde prend forme.

Cette lumière nous est donnée aujourd’hui comme celle de Noël. Le déroulement ultérieur de la création est le développement de cette illumination du monde, de sa sortie du chaos et des ténèbres. Les choses s’ordonnent en se distinguant, en se séparant : ainsi en premier, le jour d’avec la nuit.

C'est cette même Parole qui nous fait venir à l’être qui peut aussi nous faire venir à la vie de Dieu, à la vie éternelle, pourvu que nous l'accueillions. Car le monde, dès lors qu’il ne reçoit pas cette Parole par laquelle il existe, est dans les ténèbres, selon que c’est cette Parole qui sépare la lumière des ténèbres. Les bergers veillent durant la nuit (Lc 2, 8), et les voilà enveloppés de lumière (Lc 2, 9).

La Parole de lumière vient à Noël, comme petit enfant, de sorte que nous puissions l’accueillir le plus simplement… Donnant, à qui l’accueille, le pouvoir de devenir enfant de Dieu. Autant de porteurs de cette Parole qui fait venir à la vie, lesquels ne sont pas nés de la chair, mais de Dieu. Recevoir la Parole qui fait advenir à la vie dans l’éternité.

Que de possibilités s'ouvrent par cet accueil : le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1, 12), juste par l'accueil, dans la foi, de cette Parole et de sa lumière. C'est là le vrai cadeau de Noël.

Luc 2, 15-20
15 Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : « Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. »
16 Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers.

« Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître » pour que cette Parole, dont nous célébrons la naissance en Marie il y a deux mille ans, Parole éternelle qui nous a créés, promise à une souveraineté sans fin, Parole éternelle qui nous illumine — naisse en chacun de nous pour nous rendre féconds en Dieu.

Qu’elle fasse germer en nous la grâce de l’accueillir d'où qu’elle vienne ; de ne pas endurcir notre cœur lorsque nous l’entendons où nous ne l’attendrions pas ; car Dieu a pour habitude de déguiser ses anges, comme il a déguisé Marie et Joseph en étrangers que l’on n’a pas su accueillir. Accueillir la Parole créatrice, illuminatrice, source de la vie nouvelle. Cette Parole qui vient à nous comme Fils unique de Dieu, « Prince de la paix » en qui demeure pour nous le pouvoir de devenir enfants de Dieu.

*
25/12

Jean 1, 1-18

1 Au commencement était la Parole ; la Parole était avec Dieu ; et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était vie, et la vie était la lumière des humains.
5 La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas reçue.
6 Survint un homme, envoyé de Dieu, du nom de Jean.
7 Il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.
8 Ce n'est pas lui qui était la lumière ; il venait rendre témoignage à la lumière.
9 La Parole était la vraie lumière, celle qui éclaire tout humain ; elle venait dans le monde.
10 Elle était dans le monde, et le monde est venu à l’existence par elle, mais le monde ne l’a jamais connue.
11 Elle est venue chez elle, et les siens, les hommes, ne l’ont pas accueillie ;
12 mais à tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu
— à ceux qui mettent leur foi en son nom.
13 Ceux-là sont nés, non pas du sang, ni d'une volonté de chair, ni d’une volonté d’homme, mais de Dieu.
14 La Parole est devenue chair ; elle a fait sa demeure parmi nous, et nous avons vu sa gloire, une gloire de Fils unique issu du Père ; elle était pleine de grâce et de vérité.
15 Jean lui rend témoignage, il s'est écrié : C’était de lui que j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car, avant moi, il était.
16 Nous, en effet, de sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce pour grâce ;
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a raconté.

*

La lumière est venue dans un enfant. La lumière créatrice. Avant le verset 14, on est avant l’Incarnation, avant la venue en chair de Jésus. L’allusion à l’Incarnation et à sa lumière sera ce dont témoignera Jean le Baptiste, lui qui est le dernier témoin avant la venue du Royaume en cet enfant, Parole de lumière devenue chair, justement, car son témoignage est bien porté avant, bien que comme il le dit, la Parole soit avant lui.

La Parole, créatrice, au commencement de toute chose, est celle qui vient à nous à Noël, graine de lumière, pour ensemencer toute chose, pour mener le monde, la Création, à son achèvement. C'est à cette Parole des origines, créatrice, que renvoie ce commencement de l’évangile de Jean, et à la lumière qui en est le premier effet. Une lumière qui précède toute lumière, vraie lumière, qui éclaire tout humain venant dans le monde.

La lumière est celle de la vie, elle est celle de Noël. Elle nous illumine, dès l’instant où nous venons à la vie. C'est en elle que nous apparaissons quand la Parole qui nous fait exister est prononcée, toutes choses qui précèdent donc son Incarnation, sa venue comme chair. Et lorsque nous venons au jour, notre naissance, le jour naturel qui nous éclaire est alors symbole de cette lumière qui le précède de toute l’éternité, et qui vient à nous à Noël.

La Parole est au commencement, en vis-à-vis de Dieu, tournée vers Dieu. Tournée vers Dieu, en vis-à-vis comme l’image est en vis-à-vis dans le miroir qui réfléchit cette image. Dans le vis-à-vis de sa Parole, Dieu réfléchit, la Parole est Dieu même réfléchissant ; « la Parole était Dieu » — le mot pour Parole qu'emploie l’Évangile de Jean étant en grec le même mot que pour « raison » ; c'est le mot — logos — qui a donné « logique ». Dieu réfléchit, réfléchit en lui-même, Dieu raisonne, et parle, exprimant ce raisonnement — Parole de lumière.

« En cette Parole est la lumière du monde », avant même la lumière naturelle, donc. Lorsqu'elle s’exprime, la lumière, apparaît : « Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière est ». Cette vraie lumière est la lumière spirituelle dans laquelle le monde prend forme.

En cette lumière qui est celle de Noël, le monde de la résurrection est alors répandu comme une graine de lumière. C'est de la sorte que, graine de lumière et de résurrection, cette même Parole qui nous fait venir à l’être peut aussi nous faire venir à la vie de Dieu.

Comme lorsque les Apôtres disent au paralytique : « lève-loi et marche » —, « ceux qui ont reçu la Parole ont reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu ». Cette Parole, qui est aussi celle de Jean le Baptiste, un témoignage, est donnée en premier lieu comme Loi par Moïse.

La grâce venue par Jésus-Christ est la force, le pouvoir de se lever à l’écoute de la Parole venue sous forme de Loi donnée par Moïse, premier témoin. La Loi est le premier témoin, où Jean le Baptiste, représentant les Prophètes, est le dernier de ceux-ci avant l’incarnation de la Parole, avant le devenir chair de la Parole reçue.

Allusion est faite à tous les témoins, à tous ceux qui reçoivent cette Parole. Allusion bien sûr à Marie, en qui la Parole est devenue chair, Jésus, quand elle la reçoit dans sa chair, comme nous tous sommes appelés à le faire. Allusion à Marie bien sûr, qui à nouveau apparaît a la fin de l’Évangile de Jean, à la croix, nouvel enfantement. Allusion à Marie puisque la venue en chair suit immédiatement le verset sur la réception de la Parole.

C'est pourquoi, ce texte — plus précisément au fond que ceux de Luc et Matthieu, qui sont donnés comme récits figurés — enseigne la naissance virginale.

Quant à nous aussi, à ceux qui ont reçu la Parole, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, comme autant de porteurs de cette Parole qui fait venir à la vie, lesquels ne sont pas nés de la chair, mais de la volonté de Dieu. Recevoir la Parole qui fait advenir à la vie. Et juste après : la Parole est devenue chair… Jésus.

Jésus : l’expression par excellence de ce raisonnement en Dieu, de ce vis-à-vis éternel de Dieu et de sa Parole, comme son reflet, sa réflexion, est Jésus-Christ, sa Parole devenue chair (Jean 1, 14). Lorsqu’il l’exprime, le monde prend forme et s’éclaire (voir Colossiens ch. 1, concernant Jésus-Christ : « tout a été fait en lui, par lui et pour lui »).

Le pouvoir de devenir enfants de Dieu est dans l’accueil, dans la foi, de cette Parole et de sa lumière, l’accueil de cette Parole donnée d’abord dans le ministère de Moïse, puis jusqu'à celui de Jean le Baptiste, Loi et Prophètes, qui pour être témoins de la lumière, ne donnent pas le pouvoir de la vivre en vérité, dans la chair. La grâce, parce qu'elle est donnée dans la simplicité de l'enfant, cette grâce seule, peut faire franchir ce pas de la vérité incarnée. Elle est venue en Jésus-Christ, qui dit celui que seul il connaît : le Père.

Car le connaître ne se fait que dans l'accueil de la Parole dans la chair, dans le fait de vivre de la Parole qui fait vivre, de voir de la lumière qui illumine nos yeux. Connaître, c'est être en communion. Connaître c’est être dans l’amour… Cette possibilité nous est donnée par Jésus-Christ, communion vivante avec Dieu, rencontre pleine de Dieu. De cette plénitude nous recevons tous. C'est là le cadeau de Noël. La réception de la Parole, son accueil, la grâce de la vivre, a donné cette même Parole devenue chair, croissant jusqu’en la résurrection.

Que cette Parole, née de Marie, Jésus, Parole éternelle qui nous a créés, Parole éternelle qui nous illumine — naisse en chacun de nous pour nous rendre féconds en Dieu. Qu’elle fasse germer en nous la grâce de l’accueillir lorsque nous l’entendons — par la bouche de tous ses témoins, de Moïse à Jean le Baptiste, puis aux Apôtres et à tous les anonymes que nous côtoyons peut-être sans le savoir…

Et tous ceux, qui jusqu’aux confins du monde sont témoins des possibilités qu’ouvre cette Parole — en étant comme autant de terres nouvelles à même d’être ensemencées des graines de cette lumière semée à Noël. Accueillir la Parole créatrice, illuminatrice, source de la vie nouvelle. Cette Parole est le Fils unique de Dieu, en qui demeure pour nous le pouvoir de devenir nous aussi enfants de Dieu.


RP, Poitiers, Noël 2019


dimanche 22 décembre 2019

Vers Noël... côté père




Ésaïe 7.10-16 ; Psaume 24 ; Romains 1.1-7 ; Matthieu 1.18-25

Ésaïe 7, 10-16
10 Le Seigneur dit encore à Achaz :
11 Demande un signe au Seigneur, ton Dieu, soit dans les profondeurs du séjour des morts, soit dans les lieux les plus élevés.
12 Achaz répondit : Je ne demanderai rien, je ne provoquerai pas le Seigneur.
13 Ésaïe dit alors : Écoutez, je vous prie, maison de David ! Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, que vous lassiez encore celle de mon Dieu ?
14 C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : la jeune fille est enceinte, elle mettra au monde un fils et l'appellera du nom d'Immanou-El (« Dieu est avec nous ») .
15 Il se nourrira de lait fermenté et de miel quand il saura rejeter ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon.
16 Mais avant que l'enfant sache rejeter ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon, la terre des deux rois qui t'épouvantent sera abandonnée.

Matthieu 1, 18-25
18 Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit saint.
19 Joseph, son mari, qui était juste et qui ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la répudier en secret.
20 Comme il y pensait, l'ange du Seigneur lui apparut en rêve et dit : Joseph, fils de David, n'aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient de l'Esprit saint ;
21 elle mettra au monde un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
22 Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par l'entremise du prophète :
23 "La vierge sera enceinte ; elle mettra au monde un fils et on l'appellera du nom d'Emmanuel", ce qui se traduit : Dieu avec nous.
24 À son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez lui.
25 Mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût mis au monde un fils, qu'il appela du nom de Jésus.

*

Nous voici au terme du cycle de l’Avent, avec Joseph. Lorsque Matthieu nous présente Joseph, il nous présente un homme qui a déjà pleinement assumé ce qui lui arrive, ce qui, a priori, n’a rien de réjouissant, compromettant son avenir. Homme juste que Joseph, dit le texte, qui ne veut pas exposer sa fiancée à la honte, ni à la menace que son état pourrait faire peser sur elle ; elle dont il a pourtant d’abord pensé qu’elle… lui en avait préféré un autre… avant même le mariage, comme le peuple avec son Dieu, aurait dit le prophète Osée que va citer Matthieu un peu plus loin (Mt 2, 15 / Os 11, 1). Voilà ce qu’a dessiné le texte.

Joseph, homme juste, dit Matthieu, homme de pardon, donc, comme le Joseph de la Genèse pardonnant à ses frères. Cet autre Joseph, celui de Marie, pardonnant… non pas à Marie : il croit la vision angélique qui l’a assuré de son innocence. Il pardonne… à Dieu lui-même ! Et adoptant Jésus.

Mais quel rapport entre l’adoption de Jésus par Joseph et nous ? En quoi cette naissance, la naissance de cet enfant déjà Roi, me concerne ? En quoi dit-t-elle le retour à Dieu et le terme du cheminement de son peuple ? Qu’en est-il pour moi au-delà de la simple histoire de cette jeune fille, Marie, qui a un enfant sans que son fiancé n’y soit pour rien ? Eh bien, au-delà de cette superbe histoire de pardon et d’adoption, l’Évangile nous offre la parole du salut en Jésus-Christ.

Joseph adopte Jésus comme son enfant. Comme le nom même de Jésus l’indique (1, 21), il porte le salut du Seigneur ; le nom Jésus signifiant « le Seigneur sauve » ; il est lui-même en sa chair, la lumière et la Parole de Dieu, notre vie éternelle, le projet de Dieu pour nous.

Eh bien, c’est cela qu’il s’agit pour nous aussi d’adopter : le salut de Dieu, son projet pour nous, même dérageant — pour que s’accomplisse la promesse selon laquelle Dieu sera avec nous : Emmanuel. Dans un signe qui à l’origine annonce et la délivrance de Jérusalem menacée par Samarie alliée à Damas, et la réconciliation de tout le peuple, de Jérusalem et Samarie, et de toutes les nations.

Où se résout le fameux dilemme, à savoir : mais enfin, comment s’appelle-t-il, ce petit : Jésus ou Emmanuel ? Le Seigneur sauve, selon le nom « Jésus » — et ce salut est sa présence avec nous — Emmanuel, Dieu avec nous ; selon la promesse de la bénédiction : « le Seigneur est avec toi ». Jésus présence de Dieu parmi nous, demeure de Dieu, son Temple, qu’il nous faut être à notre tour.

Pour cela, il nous appartient d’accepter à notre tour ce que Joseph a accepté : accepter que la réalité la plus importante de notre vie ne vienne pas de nous-mêmes, et même nous dérange, comme un enfant qui ne vient pas de nous. Le salut éternel n’est pas quelque chose que nous devons produire par nous-mêmes, il est à recevoir, à adopter comme Joseph adopte dans la foi l’enfant que porte Marie. Le salut de Dieu est ainsi comme une réalité nouvelle qui nous surprend et nous dépasse, une réalité vivante que l’on ne peut connaître qu’en acceptant de la recevoir et de l’aimer : « Dieu avec nous ».

Joseph a du mal à accepter cette naissance, nous avons du mal à adopter le salut de Dieu. Cela choque notre volonté naturelle, celle d’être, tout seul, artisan de notre vie. Mais c’est vital. C’est déjà une bonne idée de placer son espérance, sa foi, en quelque chose de plus grand que soi-même. C’est déjà bien, par exemple, d’avoir foi en un idéal.

Mais plus que cela, en choisissant d’adopter cet enfant, Joseph reconnaît à Dieu sa place au-dessus de lui-même. Et il nous indique à l’avance que Jésus vient pour une mission inouïe : notre salut éternel.

Joseph, alors, a choisi : placer sa foi en Dieu, et faire passer ses propres aspirations après.

*

C'est ainsi que l’accomplissement de nos vies se fait quand nous sommes habités, transformés, fécondés par la présence de Dieu. C’est pourquoi Jésus est Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous ».

Cette transformation, cette nouvelle dimension de notre vie est au-delà des mots de notre quotidien.

Aussi les témoins de Jésus en parlent-ils par images — disant que nous pouvons devenir « enfants de Dieu », que nous pouvons « naître d’en haut », « naître de Dieu », « naître du souffle de Dieu ».

Autant d’expressions qui nous disent aussi que notre naissance spirituelle est quelque chose qui doit se vivre dans notre quotidien. Cette vie nouvelle ne peut entrer dans notre vie qu’à l’exemple de la naissance du Christ, Dieu venant féconder ce que nous sommes pour qu’il en naisse quelque chose de nouveau et d'éternel.

Notre vie biologique pour heureuse qu’elle puisse être, est évidemment limitée en durée et en qualité. Quelle qu’elle soit, Dieu vient dans notre propre histoire, d’Abraham à nos jours, et il y vient comme de l’extérieur, pour nous féconder et faire grandir en nous une réalité nouvelle. Comme l’Esprit de Dieu porte la parole qui fait germer le corps de Marie.

Cette présence, tout en nouveauté, de la vie divine dans le quotidien de Marie est à l’origine de la conception de l’être nouveau qu’est Jésus — qui est ainsi fils de Dieu et d’une fille des hommes.

Notre existence est faite pour être fécondée par la présence permanente de la nouveauté de vie en Dieu, au cœur de notre réalité biologique, intellectuelle, sociale, artistique, professionnelle, etc.

Sans cette fécondation, nous restons stériles pour Dieu. Une vie ignorant sa portée spirituelle oublierait de manière illusoire ne serait-ce que le vieillissement inexorable de notre corps, en se réfugiant dans l’agitation. Attitude et stérile et frustrante, sans avenir.

En sens inverse, nier la dimension matérielle et concrète de nos êtres appelés comme tels à être fécondés par la parole de Dieu, conduit également à une vie évidemment incomplète, selon que « qui veut faire l’ange fait la bête ».

Pour être ce que nous sommes selon l’image du Christ, nous devons naître comme lui. C'est-à-dire, nous concernant, recevoir la présence de Dieu au cœur de notre histoire personnelle, pour que nous devenions enfant de Dieu selon notre humanité.

La présence de Dieu dans notre vie ne remplace pas ce que nous sommes, elle le féconde. Et ce nous-mêmes qui naît de la sorte est effectivement un être nouveau, mais c’est en même temps ce que nous sommes — en plénitude, comme réalité nouvelle fondée en Dieu.

C’est de la sorte qu’en Jésus, Dieu accomplit le salut dans le concret de nos vies.


RP, Poitiers, 4e dimanche de l'Avent, 22.12.19


dimanche 15 décembre 2019

La voix de celui qui crie dans le désert




Ésaïe 11, 1-10 ; Psaume 72 ; Romains 15, 4-9 ; Matthieu 3, 1-12
Ésaïe 35, 1-10 ; Psaume 146 ; Jacques 5, 7-10 ; Matthieu 11, 2-11

Ésaïe 11, 1-10
1 Puis une nouvelle pousse sortira du tronc de Jessé, un rameau sortira de ses racines.
2 L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui : Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel.
3 Il sera inspiré par le respect de l’Éternel ; Il ne jugera point sur l’apparence, Il ne prononcera point sur un ouï-dire.
4 Mais il jugera les pauvres avec justice, Et il arbitrera avec droiture pour les malheureux de la terre ; Il frappera la terre de sa parole comme d’un bâton, Et du souffle de ses lèvres il fera disparaître le méchant.
5 La justice sera la ceinture de ses hanches, Et la fidélité la ceinture de ses reins.
6 Le loup habitera avec l’agneau, Et la panthère se couchera avec le chevreau ; Le veau, le lionceau, et le bétail qu’on engraisse, seront ensemble, Et un petit enfant les conduira.
7 La vache et l’ourse auront un même pâturage, Leurs petits un même gîte ; Et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille.
8 Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère, Et l’enfant sevré mettra sa main dans la caverne du serpent.
9 Il ne se fera ni tort ni dommage Sur toute ma montagne sainte ; Car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel, Comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent.
10 En ce jour, la racine de Jessé sera là comme un drapeau pour les peuples ; Les nations se tourneront vers lui, Et la gloire sera sa demeure.

Matthieu 3, 1-6
1 En ce temps-là parut Jean le Baptiste, prêchant dans le désert de Judée.
2 Il disait : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche.
3 Jean est celui qui avait été annoncé par Ésaïe, le prophète, lorsqu’il dit : C’est ici la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers.
4 Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
5 Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de tout le pays des environs du Jourdain, se rendaient auprès de lui ;
6 et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain.

Plus tard… Matthieu 11, 2-5
2 Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il lui envoya demander par ses disciples :
3 « Es-tu “Celui qui doit venir” ou devons-nous en attendre un autre ? »
4 Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez :
5 les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres […]. »

*

Une citation pour commencer, qui date de 1979 : « Notre anxiété fait écho à celle du Voyant [de l'Apocalypse] dont nous sommes plus près que ne le furent nos devanciers, y compris ceux qui écrivirent sur lui, singulièrement l'auteur des Origines du christianisme [Renan], lequel eut l'imprudence d'affirmer : "Nous savons que la fin du monde n'est pas aussi proche que le croyaient les illuminés du premier siècle, et que cette fin ne sera pas une catastrophe subite. Elle aura lieu par le froid dans des milliers de siècles…" L'Évangéliste demi-lettré a vu plus loin que son savant commentateur, inféodé aux superstitions modernes. Point faut s'en étonner : à mesure que nous remontons vers la haute antiquité, nous rencontrons des inquiétudes semblables aux nôtres. La philosophie, à ses débuts, eut, mieux que le pressentiment, l'intuition exacte de l'achèvement, de l'expiration du devenir. » (Emil Cioran, Écartèlement, éd. Gallimard, p. 60-61.)

L’actualité, du rapport du GIEC à la COP 25, donne raison plus à Cioran qu'aux savants expliquant que les propos du Nouveau Testament sur la fin du temps sont insupportables, et aux optimistes qui les suivent en nous invitant à poursuivre les affaires en exploitant la planète et en vivant la fête de la consommation « comme au temps de Noé » (Mt 24, 37)… en tout cas pour ceux qui en ont les moyens. La promesse d’Ésaïe que nous avons lue, annonçant de nouveaux cieux et une nouvelle terre « où habite enfin la justice » (2 Pierre 3, 13), où il ne se fait plus « ni tort ni dommage » (És 11, 9) ; cette promesse qui nous enjoint aujourd’hui au combat spirituel, ancré dans cette espérance : « que ton règne vienne », pose notre responsabilité et récuse ipso facto les théories climato-sceptiques — quand bien même on avancerait l’idée de cycles cosmiques du chaud et du froid pour refuser toute responsabilité humaine… Un tel refus est non seulement extrêmement risqué, mais en outre relève de la soumission à Mammon (l’argent comme idole) — en tant que préférant au témoignage de la foi les bénéfices consuméristes, pour ceux qui en ont les moyens, et qui consument en premier lieu la terre, à commencer par appauvrir les plus pauvres, pour un profit toujours plus destructeur.

*

Nous voici donc au cœur de l'Avent (selon le mot latin « adventus », qui signifie « la venue »), où, après un 1er dimanche qui nous rappelait que tout n'est pas forcément rose, commence à croître la lumière de la promesse, qu'il s'agit de saisir pour le salut du monde, à travers un appel au changement de comportement, pour qu'un autre avenir se dessine pour tous.

De nos jours, l’Avent — comme fête chrétienne — est devenu synonyme de préparation de la fête de la venue de l’enfant Jésus. Mais l’expression « Venue du Christ » reste volontairement ambiguë, parlant à la fois de Noël et des derniers jours — du Jour du Règne de Dieu, temps du Messie qu'annonce le prophète Ésaïe, et que redit l'appel de Jean le Baptiste à un changement de vie, lancé selon les Évangiles après la naissance de Jésus.

Dans l'attente de la venue du Royaume promis, se déploie l'histoire de l'Alliance de Dieu avec les hommes, scellée avec Abraham, mais remontant à l'éternité, annoncée aux origines de l'humanité, Alliance sans cesse renouvelée avec Israël par la fidélité de Dieu, ouverte à toutes les nations, selon la foi chrétienne par la venue du Christ — célébrée à Noël —, et dont les fruits de paix sont annoncés par les prophètes dans l'espérance du Règne de Dieu accompli au dernier jour — « Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte ; car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel » (És 11, 9).

*

L’Avent est observé depuis le Ve siècle, apparu à Tours, quand à partir de la fête de saint Martin, le 11 novembre, jusqu’à Noël, on jeûne trois fois par semaine. Le concile de Mâcon tenu en 581 adopte la pratique de Tours, et bientôt se généralise ce temps de repentance depuis le 11 novembre jusqu’à Noël. Il est également décidé que les cultes se feraient pendant l'Avent de la même façon que lors du Carême, c'est-à-dire comme un temps de repentance et de jeûne. C’est pourquoi durant l'Avent la couleur liturgique, retenue dans notre Église en sa branche luthérienne, sera la même qu’au temps du Carême : le violet.

Au VIe siècle, une liturgie de l’Avent voit aussi le jour à Rome, où le nombre de quatre dimanches se met en place. Dès le VIIIe siècle, le premier dimanche de l’Avent est marqué comme le commencement de l'année liturgique. Les bougies sont le symbole de la lumière qui vient, apportant l'espoir de la paix. Avant l'ère chrétienne, elles étaient déjà signes de lumière et de joie. Pensons à la fête juive de Hanoukka, célébrée cette année en même temps que Noël.

Au XIXe siècle, un pasteur luthérien allemand (Johann Heinrich Wichern) décida d'allumer chaque jour une bougie disposée sur une roue, pour marquer les 24 jours qui précédent Noël. La roue fût remplacée par une couronne de sapin et les bougies réduites à 4. Elles marquent les 4 dimanches qui précédent Noël. Elles symbolisent également les grandes étapes du Salut : la première est le symbole du pardon accordé à l'homme et à la femme au sortir de l’Éden selon la Genèse ; la seconde est le symbole de la foi d'Abraham avec qui est scellée l'Alliance, et des patriarches qui croient au don de la Terre promise ; la troisième est le symbole de la joie de David dont la lignée conduit jusqu'au jour du Royaume, témoignant de la pérennité de l'Alliance et de la promesse ; et la quatrième et dernière bougie est le symbole de l'enseignement des prophètes qui annoncent un règne de justice et de paix. Ou encore, elles symbolisent quatre étapes de l'histoire de l'Alliance en sa relecture chrétienne ; la Création, l'Incarnation, le retour à Dieu, la promesse de son Règne.

*

Une Alliance, qui nous inscrit dans une mission de coopération avec Dieu (2 Co 6, 1) pour conduire ce monde à la porte d'un paradis, où : « le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère, et l’enfant sevré mettra sa main dans la caverne du serpent. »

Où : « il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte ; car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent. En ce jour […] les nations se tourneront vers lui, et la gloire sera sa demeure. » (Ésaïe 11, 8-10)

Mais rien n'est gagné d'avance de cette mission, de ce combat. D'où l’appel du Baptiste en écho d'Ésaïe : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. […] Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. » (Mt 3, 2-3)

*

Un repentir, un changement de comportement, un aplanissement des sentiers de celui qui vient, annoncé par Ésaïe et que les chrétiens relisent en Jésus. Un changement de vie possible par la confiance en celui qui promet, celui qui a passé Alliance avec nous, et qui enseigne à nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés (Jean 13, 34). Il s'est engagé à ne pas nous lâcher, par cette Alliance qui remonte à l'éternité où se fonde l'envoi de l'humanité, et qui se scelle dans la promesse à Abraham pour être élargie à toutes les nations par Jésus, qui octroie l'Esprit pour aller vers tous les peuples selon la promesse d'Ésaïe : « la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent ».

Alors tout devient possible de ce que prône Paul aux Romains pour la réconciliation de tous (Ro 15, 7-9) : « Accueillez-vous donc les uns les autres, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu […], que les nations glorifient Dieu à cause de sa miséricorde, selon qu’il est écrit : c’est pourquoi je te louerai parmi les nations, et je chanterai à la gloire de ton nom. »

Tel est le fruit de l'Alliance dont l'Avent nous rappelle le déploiement comme mission via le changement que prêchent les prophètes, la techouva, le retour — sans quoi tout pourrait péricliter. Pas besoin d'être grand prophète pour savoir, comme, entre autres, le rappelle Cioran dès 1979, que le monde court à sa perte, d’exploitation des plus pauvres en meurtres sanglants terroristes ou guerriers et en surexploitation des ressources. C'est de cela, de cette fuite en avant mortifère qu'il s’agit de revenir. Faites techouva, faites retour, crie le Baptiste après tous les prophètes, revenez, repentez-vous de cette fuite vers la mort. « J'ai mis devant toi la mort et la vie, choisis la vie afin que tu vives », dit le Deutéronome. C'est où nous sommes aujourd'hui !… Sans perdre de vue la lumière qui pointe, qui déjà nous illumine depuis Noël qui vient, « car un enfant nous est né, un fils nous est donné » (Ésaïe 9, 5).


RP,
Châtellerault, 2e dimanche de l'Avent, 8/12/19
Poitiers, 3e dimanche de l'Avent, 15/12/19


dimanche 1 décembre 2019

"Tenez-vous prêts", "veillez"




Ésaïe 2:1-5 ; Psaume 122 ; Romains 13:11-14 ; Matthieu 24,37-44

Matthieu 24, 37-44
37 Tels furent les jours de Noé, tel sera l'avènement du Fils de l'homme ;
38 car de même qu'en ces jours d'avant le déluge, on mangeait et on buvait, l'on se mariait ou l'on donnait en mariage, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche,
39 et on ne se doutait de rien jusqu'à ce que vînt le déluge, qui les emporta tous. Tel sera aussi l'avènement du Fils de l'homme.
40 Alors deux hommes seront aux champs : l'un est pris, l'autre laissé ;
41 deux femmes en train de moudre à la meule : l'une est prise, l'autre laissée.
42 Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur va venir.
43 Vous le savez : si le maître de maison connaissait l'heure de la nuit à laquelle le voleur va venir, il veillerait et ne laisserait pas percer le mur de sa maison.
44 Voilà pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ignorez que le Fils de l'homme va venir.

*

« Mais pourquoi les hommes sont-ils méchants ? Que je suis étonné sur cette terre. Pourquoi sont-ils si vite haineux, hargneux ? Pourquoi adorent-ils se venger, dire aussi vite du mal de vous, eux qui vont bientôt mourir, les pauvres ? Que cette horrible aventure des humains qui arrivent sur cette terre, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, ne les rende pas bons, c’est incroyable. Et pourquoi vous répondent-ils si vite mal, d’une voix de cacatoès, si vous êtes doux avec eux, ce qui leur donne à penser que vous êtes sans importance, c’est-à-dire sans danger ? Ce qui fait que des tendres doivent faire semblant d’être méchants, pour qu’on leur fiche la paix, ou même, ce qui est tragique, pour qu’on les aime. » (Albert Cohen, Le livre de ma mère)

*

« Soyez prêts dit Jésus à ses disciples, car le Fils de l'Homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas » (Mt 24, 44). Veillez, soyez prêts à ouvrir à votre Maître, qui viendra comme un voleur dans la nuit. Voilà qui est troublant : le Seigneur viendra comme un voleur, il viendra à l'heure où nous n'y penserons pas.

*

Chaque fois que des lendemains sombres s’annoncent sur le monde, non seulement on ne sait pas le reconnaître, mais on a même tendance à en rajouter dans le déni — dans l'agitation, la distraction et les fêtes, la consommation, etc.

« Comme aux jours de Noé ». La seconde épître de Pierre rappelle que comme un ancien monde a été détruit par l’eau, ce monde-ci est gardé en réserve pour le jugement par le feu. Et « comme aux jours de Noé », on est tenté en tout temps de balayer les signes sombres à l’horizon d’un revers de main.

Je cite la seconde épître de Pierre (ch. 3, v. 3-10) :
3  […] Dans les derniers jours viendront des sceptiques moqueurs marchant au gré de leurs propres désirs
4  qui diront : "Où en est la promesse de son avènement? Car depuis que les pères sont morts, tout demeure dans le même état qu’au début de la création."
5  En prétendant cela, ils oublient qu’il existait, il y a très longtemps, des cieux et une terre tirant origine de l’eau et gardant cohésion par l’eau, grâce à la Parole de Dieu.
6  Par les mêmes causes, le monde d’alors périt submergé par l’eau.
7  Quant aux cieux et à la terre actuels, la même Parole les tient en réserve pour le feu, les garde pour le jour du jugement
/ i.e. de la crise / et de la perdition des impies.
8  Il y a une chose en tout cas, mes amis, que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans et mille ans comme un jour.
9  Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard, mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent mais que tous parviennent à la repentance.
10  Le jour du Seigneur viendra comme un voleur, jour où les cieux disparaîtront à grand fracas, où les éléments embrasés se dissoudront et où la terre et ses œuvres seront mises à découvert.

Mais, comme en tous temps, et comme en l'an 70 pour le monde auquel s’adresse d’abord Jésus — qui avertissait : la catastrophe adviendra dans « cette génération » (v. 34) —, quand la menace est prégnante, on préfère ignorer, voire faire taire les prophètes de malheur ; et on continue à se confondre en festivités, sans manquer d'y dire — sans avoir l'air d'y toucher — du mal des absents, et à vaquer à ses affaires, ses petites vengeances, sa consommation et sa surconsommation. « Comme aux jours de Noé ».

Et le déluge les emporte tous…

Tous, ou plus précisément, dans l’avertissement de Jésus quant à la menace imminente, il emporte ceux qui se comportent comme si tout ici-bas était éternel, mais « laisse » ceux qui, conscients de ce que tout cela a de provisoire, s’ancrent dans la vigilance, en vue de ce qui seul ne passe pas et qui s’apprête à se manifester dans la présence du Fils de l’Homme. Qu'est-ce que cela veut dire ? On essayera de le voir.

La venue du Seigneur est présentée dans le texte d’aujourd’hui comme la surprise de l’incursion d’un voleur dans la nuit. Ou plus loin comme l’attente de l’époux par des jeunes filles d'honneur munies de lampes à huile. Il vient de toute façon au milieu de la nuit de ce monde, de façon surprenante, et il s’agit de rester vigilant, de veiller. « Tenez-vous prêts. »

Quand l’horizon s’assombrit, quand les catastrophes s’annoncent, quand la crise est là, alors risque de s’accentuer une tendance à la fuite en avant, entre distractions et agitation des affaires — la tentation de s’assoupir au lieu de veiller, c’est-à-dire le repli sur soi, qui est l’inverse de la vocation humaine. Cela précisément au moment où il faudrait au contraire lever la tête. Or, puisque les temps sont durs… voilà que s’accentue la tendance à se replier sur soi, et à vouloir vivre encore comme au temps où tout semblait rose. Comme aux jours de Noé… Vaquant aux habitudes dont on voudrait qu’elles perdurent, faisant la noce, des affaires et des fêtes. Et pourtant les jours sont sombres. Jésus vient de parler des signes qui annoncent les temps et les saisons, les lendemains de chaleur, de pluie ou de tempête.

*

Ne savez-vous pas reconnaître les signes des temps, vous qui savez reconnaître les signes de la venue des saisons ? nous demande Jésus, le moment où il faut redoubler d’attention.

Un signe du même ordre est souligné plus loin : l’huile des filles étourdies d'une nuit de noces, qui s'endorment en attendant l'époux. Une huile qui brûle pour entretenir une flamme. Une huile que l’on ne peut garder à la place d’autrui, et dont il n’est plus temps d’en acheter. Image donnée par Jésus appelant à la vigilance dans le désir de vérité, toujours susceptible d’être vacillant, cette vigilance toujours de mise, qui ne peut être que fruit de l’Esprit dont l’huile est le symbole, et qui sourd au cœur de nos êtres…

Veiller — car c'est quand tout est apparemment bouché que l'Esprit ouvre de toutes nouvelles possibilités. Mais pour les voir, il s'agit de rester ouvert et attentif : c'est là savoir veiller pour saisir le renouveau qui s'annonce quand tout semble irrémédiable. Ainsi que « le Fils de l'Homme viendra à l'heure que vous ignorez ».

Et de quelle façon doit-on exercer notre vigilance ? Si on lit la suite du passage, on peut voir que c’est déjà en étant attentifs à ceux que Dieu place sur notre chemin — une ouverture solidaire donc (v, 45-46) : « Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable ? Heureux ce serviteur, que son maître, à son arrivée, trouvera faisant ainsi ! » dit Jésus — c'est juste après son avertissement sur les jours de Noé. Redoubler d’attention : être attentif, et attentionné. « Suis-je le gardien de mon frère ? » avait demandé Caïn, meurtrier d’Abel. La réponse est donnée par Jésus : la vigilance ici est précisément être attentif à son frère, l’inverse du repli sur soi favorisé par les temps sombres — et qui semble caractériser les jours actuels, au prétexte juste et raisonnable que « c'est la crise ». Mais précisément, dit Jésus, c'est là au contraire qu'il s'agit de veiller — pour voir s'ouvrir de tout nouveaux possibles !

Heureux celui ou celle qui s’attache à ce service fidèle — et avisé… — v. 46 : « Heureux ce serviteur que son maître en arrivant trouvera faisant ainsi ! ».

Il ne s’agit donc pas, parlant de vigilance, de rester les yeux levés vers le ciel et replié quand même sur soi, mais ancrés en Jésus, de se tourner vers le monde pour l’enrichir des talents (toujours un des passages qui suit notre texte : la parabole des talents) que nous a confiés le Seigneur qui s’est absenté et dont on attend la venue…

Bref, si le Messie vient demain, il s’agit non pas de se replier dans la peur, mais de planter un arbre ! — comme le disait, plutôt que Martin Luther, Rabbi Yohanan Ben Zaccaï, qui vécut à Jérusalem lors de son saccage par les Romains, enseignant : « Si tu tiens un jeune arbre dans tes mains quand on te dit que le Messie arrive, plante d'abord ton arbre et ensuite tu sortiras pour le saluer », en attendant le renouveau définitif apporté par le Messie. Selon une recherche de ma collègue Ariane Massot, l'attribution de cette histoire talmudique à Luther remonte au Troisième Reich, avec ses prétentions millénaristes, qui courait vers sa fin quand, en octobre 1944, en conclusion d'une lettre circulaire clandestine, le pasteur Karl Lotz, membre de l’Église confessante la reprenait. Et si, pour éviter des soucis avec la censure, il avait maquillé une parole juive en citation de Luther ?… Illustrant la nécessité de veiller…

Voilà ce à quoi nous sommes appelés : veiller — rester ouverts à de nouveaux possibles et attentifs aux plus petits — et poser ainsi les pierres du Royaume. Tenez-vous prêts, et concrètement plutôt que de continuer à faire courir le monde à sa perte, poser déjà, comme plantant un arbre, des actes selon la loi du Royaume : plutôt que la stupide méchanceté déplorée par Albert Cohen, se mettre à l'écoute de la parole de Jésus « ne voulant pas que quelques-uns périssent mais que tous parviennent à la repentance » (2 P 3, 9) : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 13, 34) — seule arme pour que l’humanité puisse traverser le déluge qui menace sans s’entre-déchirer.


RP, Poitiers, 1er dimanche de l'Avent, 01/12/19


dimanche 24 novembre 2019

Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis




2 Samuel 5, 1-3 ; Psaume 122 ; Col 1, 12-20 ; Luc 23, 35-43

Luc 23, 35-43
35  Le peuple restait là à regarder. Les magistrats se moquaient de Jésus, disant : Il a sauvé les autres ; qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu, l’Élu de Dieu !"
36  Les soldats aussi se moquaient de lui : s’approchant pour lui présenter du vinaigre, ils dirent :
37  "Si tu es le roi des Judéens, sauve-toi toi-même."
38  Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : " Celui-ci est le roi des Judéens."
39  L’un des malfaiteurs crucifiés l’insultait : "N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et nous aussi !"
40  Mais l’autre le reprit en disant : "Tu n’as même pas la crainte de Dieu, toi qui subis la même peine !
41  Pour nous, c’est juste : nous recevons ce que nos actes ont mérité ; mais lui n’a rien fait de mal."
42  Et il disait : "Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne."
43  Jésus lui répondit : "En vérité, je te le dis, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis."

*

Trois hommes crucifiés, selon la façon romaine de mettre à mort les non-citoyens. Trois crucifiés parmi des milliers d'autres. Et trois attitudes face à la même torture, face à la même mort.

*

Le premier homme que nous présente le texte, Jésus, du fait de ses prétentions messianiques, telles qu’on les comprend, est en proie aux moqueries et aux sarcasmes de ses tortionnaires : on plaisante devant l'impuissance affichée, clouée, d'un supplicié qui revendique, paraît-il, la capacité de sauver les hommes, qui se réclame de l'intronisation divine à la royauté (sur Israël, voire sur le monde, selon le mot, grec, choisi par Luc : le Christ), et par là même à l'insoumission aux Romains qui ont réduit son pays en sujétion. Mais le voilà crucifié par ces mêmes Romains qu'il est censé renverser par le pouvoir de Dieu !

La situation est pour le moins humiliante pour le Messie, ainsi d'ailleurs que pour le peuple qu'il prétend libérer des Romains.

Les soldats païens se moquent, à l’instar des chefs. Et ils désignent Jésus par des mots qu’ils croient ironiques : « Roi des Judéens », c’est-à-dire le Messie d’Israël. Voilà en effet un roi qui décidément ne paie pas de mine ; « les hommes voient ce qui leur saute aux yeux, mais le Seigneur voit le cœur », annonçait Samuel (1 Samuel 16, 7). Un homme insignifiant, cloué sur une croix comme un vulgaire malfaiteur : le Roi, le Messie, le Christ, universel, selon le mot choisi par Luc ? Il y a de quoi ironiser.

*

Un deuxième crucifié, du milieu des sarcasmes, reprend l'interpellation ironique. Le texte en dit : « il blasphémait ».

*

Un troisième crucifié voit l’innocence pendue là avec lui, clouée comme lui, de façon invraisemblable, radicalement incompréhensible, pas même explicable comme châtiment.

Il va découvrir alors le Roi du monde à venir : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Cet homme annonce alors, sans le savoir sans doute, le nouveau David roi des Judéens réconciliant Juda et toutes les tribus (selon 2 Sam 5, 1-3 et le Ps 122, textes proposés aussi pour ce jour). Mais plus que cela : ici est le Roi des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, par qui s’accomplit la réconciliation, non seulement des tribus et du peuple d’Israël, mais de l’Univers… « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. »

Au milieu du chaos, des cris et des moqueries, s'esquisse un autre ordre, fragile, subtil : c'est là que Dieu se révèle. C'est là, là seulement qu'il ne peut qu'être. Là est son parti : la justice, fût-elle voilée dans les sarcasmes, couverte de crachats : là est le camp de Dieu. Là est sa puissance. Le troisième homme l'a perçu, et, enhardi de cette certitude en appelle à la grâce de ce Messie, à la faveur de ce Roi qu'il croit, dorénavant, irréfutable.

*

Et Jésus, sourd aux insultes, entend celui qui a saisi : à lui s'ouvre dès aujourd'hui, définitivement, le Paradis — au-delà du temps, de la mort et du séjour des morts, qui sont ici infiniment court-circuités par l'éternité du Royaume du Christ crucifié. Sa puissance royale se donne comme puissance du pardon.


Colossiens 1, 13-20 :
13 Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres
et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour ;
14 en lui nous sommes délivrés, nos péchés sont pardonnés.
15 Il est l'image du Dieu invisible,
Premier-né de toute créature,
16 car en lui tout a été créé,
dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles comme les invisibles,
Trônes et Souverainetés, Autorités et Pouvoirs.
Tout est créé par lui et pour lui,
17 et il est, lui, par devant tout ;
tout est maintenu en lui,
18 et il est, lui, la tête du corps, qui est l’Église.
Il est le commencement,
Premier-né d'entre les morts,
afin de tenir en tout, lui, le premier rang.
19 Car il a plu à Dieu
de faire habiter en lui toute la plénitude
20 et de tout réconcilier par lui et pour lui,
et sur la terre et dans les cieux,
ayant établi la paix par le sang de sa croix.

RP, Poitiers, 24.11.2019


dimanche 17 novembre 2019

Une question qui engage




Textes du jour : Malachie 3, 19-20 ; Psaume 98 ; 2 Thessaloniciens 3, 7-12 ; Luc 21, 5-19

Les textes de ce jour portent sur la menace de la fin du temps. Nous aurons l’occasion d'y revenir, au cours de l'Avent ; et dans cadre du thème synodal de cette année, sur l’écologie. Pour aujourd'hui, en ce dimanche de l'aumônerie de prison, traditionnel à Poitiers, nous nous pencherons sur le texte médité hier avec les détenus, qui n'est pas sans rapport avec la question de la fin du temps, en tant qu'il nous invite chacun à une préparation intérieure, nous plaçant devant celui qui nous demande, à chacun personnellement : « qui dites-vous que je suis ? »

Matthieu 16, 13-20
13 Arrivé dans la région de Césarée de Philippe, Jésus interrogeait ses disciples : "Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ?"
14 Ils dirent : "Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes."
15 Il leur dit : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?"
16 Prenant la parole, Simon-Pierre répondit : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant."
17 Reprenant alors la parole, Jésus lui déclara : "Heureux es-tu, Simon fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
18 Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la Puissance de la mort n’aura pas de force contre elle.
19 Je te donnerai les clés du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux."
20 Alors il commanda sévèrement aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ.

*

« Qui dit-on que je suis ? » a d'abord demandé Jésus… La réponse est sous-entendue dans la question — dans les termes où elle est posée : « Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ? »

Le Fils de Homme est cette figure, connue des disciples, qui annonce dans des livres comme Ézéchiel ou Daniel l’inauguration du Royaume de Dieu : il s'agit d'un être céleste, qui demeure auprès du Père, le Fils de l'Homme qui est dans les cieux — et qui vient sur la terre.

« Et vous ? » demande t-il à ses disciples. — « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »

Jésus, qui vient donc de dire que c'est lui ce Fils de l'Homme, celui qui vient inaugurer et apporter le Royaume, renvoie alors les disciples à eux mêmes : qu'en est-il de votre perception ? Qui dites-vous que je suis ? De là la réponse de Pierre : « qui est-tu ? Mais, Fils de l'Homme, tu viens de le dire, tu es donc le Christ — le Messie ! »

Pierre, a répondu à peu près la même chose que les anonymes, parlant de prophètes, mais en mieux (et Jésus l'en félicite — une telle confession vient de Dieu) : carrément « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Ce faisant, Jésus, avec sévérité, leur ordonne de ne le dire à personne : il s'agace d'une popularité dont il sait non seulement la vanité, mais aussi qu’en ce qui le concerne, elle est signe de sa prochaine persécution. Et que de toutes façons le mot qui la déclenchera, « Christ », « doté de l’onction divine », « Messie », est compris de travers…

*

Mais au-delà de tout ce que disent les hommes, il s’agit pour lui de situer ses disciples face à lui seul — « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », c’est cela qui importe et non pas « que dit-on de moi ? » — Se situer face à lui, aujourd'hui populaire — mais aussi malgré sa réputation bientôt déplorable pour des lendemains catastrophiques — quoique cela coûte.

À ce point, tout a changé. On est passé de ce que disent et pensent les hommes, à ce que « vous, vous dites ». On passe de « on » à « toi », de l'admiration plus ou moins béate mais finalement pas dérangeante, à la mise en question.

Jésus refuse toute réponse anonyme ; Jésus n'a que faire d’une réponse admirative, mais qui, dans une heure, sera oubliée, et qui, finalement n'aura guère de conséquences dans les vies ; les foules bientôt crucifieuses rangeront par la suite ce « grand homme » dans leur mémoire comme on range des photos de grands hommes. Et dans la galerie des grands personnages, il y en aura un de plus.

Et cela n’intéresse pas Jésus. Il veut une réponse personnelle (toi ! moi !), une réponse qui engage, qui compromet pour toujours. Une réponse où tout change dans la vie de celui qui la formule.

Si Jésus a fait bien des choses étonnantes jusqu'ici, il n'avait, apparemment, rien fait de décisif qui le fasse confesser comme Christ. Il requiert à présent une réponse qui joue toute notre vie. C'est ça, la foi, et c'est ce qui la différencie de la croyance ou même de l'admiration qui n'est jamais que sa mauvaise copie, d'autant plus dangereuse qu'elle permet d'esquiver Jésus et d'esquiver son salut.

C’est la question qui nous est posée, à nous aussi aujourd’hui, et dont la réponse correspond à rien moins qu’à un engagement : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », de façon si intime que — autre sens de la mise en garde de Jésus — on ne saurait pouvoir le dire à quiconque.

*

Au fond, la réponse à cette question consiste en un abandon à Jésus ! Si Jésus est bien « le Christ, le Fils du Dieu vivant », comme l'a confessé Pierre, alors il s'agit de tirer les conséquences de cela et de renoncer à s'en donner une conception, ou une image, à adhérer à un « on dit » ! Cette confession seule (et non Pierre !), cette confession — « tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » — est un roc, souligne Jésus par son jeu de mots. C'est bien celui qu'elle désigne, Jésus, qui est le roc, rappelle la 1ère épître de Pierre : « Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu » (1 P 2, 4).

Le Dieu vivant dont Jésus est le Fils, et que Jésus manifeste, comme le confesse Pierre, est le Dieu que l'on ne cerne pas ! Dieu vivant, il est, par cela même qu'il est vivant, celui qui échappe à toute image. Vivant, il est celui qui est où on ne l’attend pas, celui qui n'est pas fixé à telle ou telle conception que l'on s'en fait — que l'on voudrait s’en faire.

Ses voies sont incompréhensibles comme ses jugements sont insondables (Ro 11, 33) — « Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son conseiller ? » (Ro 11, 34 – Es 40)

Si Jésus est bien celui qui manifeste ce Dieu-là, comme l'a confessé Pierre, alors le renoncement nécessaire que Jésus rappelle dans les versets qui suivent cette confession de Pierre, est incontournable, inévitable — sous peine de n'avoir prononcé que des mots inutiles, encore des images fixes d'un Dieu qui ne se fixe pas.

Des images fixes, repérables, qui du coup nous fixent, nous figent nous-mêmes — car nous sommes à l'image de ce que nous nous donnons comme Dieu.

« Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme ? ou, que donnerait un homme en échange de son âme ? » (Mt 16, 24-26)

Confesser Jésus, comme le Christ, le Fils du Dieu vivant, revient à renoncer à s'en faire une image qui le figerait dans telle théologie, littérature, ou tout ce qu'on voudra, et du coup à nous y figer nous-mêmes.

« Qui dites-vous que je suis ? »

La réponse à cette question engage notre vie : des hommes et femmes qui renoncent à toute compréhension définitive d'eux-mêmes, devenant par là-même vivants, disciples vivants d'un Dieu vivant qui comme tel ne se fixe pas et ne se comprend pas, dont ce qu'il dessine pour nous nous échappe — « ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles » ; « Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son conseiller ? »

Alors nous est donnée la parole donnée à Pierre, la parole de la délivrance de tout et de tous : « tout ce que tu lieras sur la terre (le péché) sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre (les créatures de Dieu) sera délié aux cieux ».

Vous n'avez pas à vous soucier de ce que vous croyez être. Cela relève du même secret dont Jésus demande à ses disciples de l'entourer : «  alors il commanda sévèrement aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ. » Ce que vous êtes est secret, caché en Dieu, sous le même sceau d'insondable qui caractérise ce qu'il fait.


RP, Poitiers, 17.11.19 / dimanche de l'aumônerie de prison


dimanche 3 novembre 2019

Zachée





Ésaïe 45, 22-24 ; Psaume 145 ; 2 Thessaloniciens 1, 11 à 2, 2 ; Luc 19, 1-10

Luc 19, 1-10
1 Entré dans Jéricho, Jésus traversait la ville.
2 Survint un homme appelé Zachée ; c’était un chef des collecteurs d’impôts et il était riche.
3 Il cherchait à voir qui était Jésus, et il ne pouvait y parvenir à cause de la foule, parce qu’il était de petite taille.
4 Il courut en avant et monta sur un sycomore afin de voir Jésus qui allait passer par là.
5 Quand Jésus arriva à cet endroit, levant les yeux, il lui dit : "Zachée, descends vite : il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison."
6 Vite Zachée descendit et l’accueillit tout joyeux.
7 Voyant cela, tous murmuraient ; ils disaient : "C’est chez un pécheur qu’il est allé loger."
8 Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : "Eh bien ! Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens et, si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple."
9 Alors Jésus dit à son propos : "Aujourd’hui, le salut est venu pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham.
10 En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu."

*

Qui est donc ce Zachée ? C’est un homme en vue, une sorte de célébrité locale à Jéricho. Une célébrité de petite ville, qu’il y a acquise à force de coups à sa façon et autres démarches pas très reluisantes — pour être au poste qui est le sien ! Un de ces personnages en quête d’aisance — il faut bien vivre —, et puis d’un peu d’honneurs aussi, de standing et de choses qu’on honore, quitte à aller quérir tout cela chez les Romains… tant qu’ils sont au pouvoir.

En vue à Jéricho, Zachée l’est sans aucun doute, mais il est mal vu — et donc rejeté : un homme seul… Puisqu’il est le chef de ces fameux publicains, arrogants collecteurs d'impôts, au service de Rome. Son métier ? Au regard de ses compatriotes judéens : racket professionnel dans la collaboration avec l’ennemi, puisque les percepteurs collaborateurs des Romains se servaient sur la bête. S’il est rejeté, c’est légitimement, peut-on dire.

Voilà autant d’éléments qui peuvent expliquer pourquoi il veut voir Jésus qui passe… Rien d’autre, dirait-il peut-être, que voir une nouvelle célébrité : il en est une lui-même ! D’habitude, il est sans doute dans le comité d’accueil des représentants du pouvoir romain. Voir une nouvelle célébrité… Et qui sait, en arrière-pensée, puisque ce genre de personnage, Zachée, est à courte vue, il est sans doute prêt à tourner sa veste pour un poste…

Car Jésus, oui, commence aussi à avoir une certaine célébrité : celle d’être peut-être le nouveau pouvoir, celui qui remplacera les Romains. Dans Jéricho, la foule presse Jésus. Ne perdons pas de vue qu'on est à la veille de son entrée triomphale à Jérusalem. Ce Jésus a commencé à faire parler de lui. Il est peut-être temps pour Zachée de se ménager des entrées — et pourquoi pas, une future nouvelle tâche de percepteur, si des fois ce Jésus prenait le pouvoir ! D'où la curiosité, qui fait que ce petit homme se rend visible en montant sur un arbre, tout en s’y cachant. Un homme tiraillé, sans doute, que ce chercheur d’honneurs qui se cache à moitié.

Car d’un autre côté, ce Zachée chercheur d’avantages et de prestige de petite ville, ce Zachée, qui est petit, préfère sans doute aussi ne pas trop se faire remarquer, ni par une foule qui lui est hostile et qui aujourd’hui bafoue ainsi son arrogance dans sa petitesse, ni même par Jésus qu’elle acclame. Il monte donc sur ce sycomore, ce qui ne l'empêche pas de se faire remarquer, notamment par Jésus — qui va le prendre à son propre désir d’être honoré, en le faisant sortir de cet observatoire qui le cache et l’exhibe à la fois.

Jésus a vraisemblablement déjà eu l'occasion de le voir aux portes de la ville, et d'en entendre beaucoup de mal. D'où sans doute, dans son geste, se faire inviter par cet homme, une part de provocation, un certain sens du scandale : Jésus sait que son attitude ne passera pas inaperçue, fera jaser. Et puisque la grâce est scandale, c'est d'un geste de grâce que Jésus va faire un sujet de commérage.

*

Avant d'apparaître comme grâce, le geste de Jésus fait sans doute plutôt figure d'aubaine aux yeux de ses fervents zélateurs. D'aubaine choquante : tous murmurent : « il va loger chez un pécheur ! » Et quel pécheur ! Mais voilà que le plus choqué de tous, c'est Zachée lui-même. Il pouvait s'attendre à tout — s'il s'attendait à quelque chose, sait-on jamais : « mes qualités de financiers pourraient être récupérées discrètement par le nouveau pouvoir » — il pouvait s'attendre à tout, mais pas à ça, pas de cette manière !

Zachée a quand même l’allure type du mauvais riche dont Jésus vient de lancer une de ces séries de portraits à même de décourager n’importe quel prédicateur, n’importe quel témoin de ses paroles, tant ses critiques des riches sont violentes ! Surtout si ce prédicateur ou témoin de ses paroles est soucieux des finances de la communauté ou simplement soucieux de ne pas décourager ses auditeurs non-SDF. Mais Jésus, moins embarrassé apparemment par tous ces problèmes, a porté ces critiques violentes, et sans pincettes, contre ces façons dont Zachée donne un exemple criant !

La fidélité à sa parole a sans doute contraint ses disciples à les dire à leur tour, ces critiques violentes… Que le vent a portées jusqu’aux oreilles du chef des publicains de Jéricho, qui, donc, se cache dans son sycomore. Et voilà, point culminant de la série « critique des riches », son cas à lui, le cas Zachée ! Et le cas de Zachée, lui, est caricatural : une richesse mal acquise, telle celle de l’intendant infidèle décrit quelques pages avant, acquise à coups de courbettes devant les Romains ; et tout ça pour un bonheur égoïste, comme le riche méprisant Lazare.

Il est tout cela à la fois Zachée. Un de ces personnages réputés irrachetables tellement leurs vols semblent non remboursables ! Aujourd'hui, ils feraient partie de ces personnages publics qui brillent par leur prestance jusqu'à ce qu'ils soient poursuivis pour abus de bien sociaux, détournements de fonds, corruption, etc. Simplement à l'époque c'était légal. Les Romains mettaient les populations occupées à la tache de la collecte d'impôt en leur permettant de puiser dans la caisse le supplément qu'ils demanderaient. On comprend pourquoi on n'aimait pas beaucoup ces riches qu'étaient les collecteurs d'impôts. Zachée en est.

Oui, décidément Zachée est un petit homme, et pas que par la taille ; et s’il s’est mis au loin, sur son arbre, c’est aussi sans doute parce qu’il redoute Jésus, qu’il redoute qu’il ne le rejette, dans les ténèbres à grincements de dents de ses paraboles.

Et voilà que c’est par lui, qui sait se reconnaître — comment ne le ferait-il pas, c’est si explicite — dans les portraits des paraboles de Jésus ; c’est par lui, sur lui, précisément que va éclater la parole de la grâce !

Parmi tous les habitants de Jéricho dont sans doute aucun n'aurait accueilli Jésus autrement qu'avec joie et empressement — il n'avait que l'embarras du choix, — il se fait recevoir par un pécheur. Et pas par n'importe quel pécheur, pas le pécheur du coin, anonyme ; non, il s'agit bien du pécheur connu, public, le pécheur en chef.

Il n'y a pas plus d'ambiguïté sur ce point de la part de Jésus que lorsqu'il fraye avec les prostituées. Aucun doute sur leur moralité.

Et, comble de l’incongruité, ici il ne s'agit pas du chef de n'importe quelle sorte de pécheurs, mais du chef des collecteurs d'impôts, se coltinant des tâches de Romains — courbettes comprises —, ce à quoi il doit son arrogante richesse.

Or celui qui l'interpelle, Jésus, représente à peu près l'inverse : le chef d'un groupe messianique, avec vocation de libérer Israël de toutes ses oppressions, Romains compris — une libération qu'il est peut-être à la veille de mener à bien — du moins est-il perçu comme cela. Et au cœur d'un bain de foule, au milieu de ses partisans enthousiastes qui encadrent son proche triomphe, le voilà qui se fait inviter, par qui ?… par Zachée !

Ce qui se passe alors dans la tête du publicain restera difficile à percer. On comprend en tout cas qu'il n'en revienne pas. Mais on peut imaginer aussi des sentiments mêlés, une sorte de triomphe mesquin, empreint de ressentiment, sur une foule qui le méprise.

Il y aurait là de quoi nourrir les murmures qu'entraîne l'attitude de Jésus. Un personnage comme Zachée semblerait bien digne d'un procès d'intention : que va-t-il faire des largesses de Jésus ? Ne vont-elles pas l'encourager dans sa mesquinerie qui, en plus, fonde son arrogance à l’égard des miséreux ?

Eh bien ! Jésus passe outre : la grâce est gratuite — pas à bon marché, on va le voir, mais gratuite, — totalement gratuite : la grâce n'attend pas de bonne attitude, ni de bonne moralité, le choix de Zachée en fait foi ; elle n'attend pas non plus de bonne disposition intérieure.

C’est la grâce qui justifie, tout simplement. Justification par la grâce, par la foi seule. La justification est déclarative.

C'est toute la leçon qu'a retrouvée la Réforme. Être justifié ne signifie pas être rendu juste, mais être déclaré juste. La Réforme parlait ainsi de justification « forensique », « étrangère », « extérieure », de ce mot qui a donné en français « forain », c'est-à-dire, extérieur, étranger, quelqu'un qui est d'ailleurs.

De même, la justification selon la Bible, expliquaient les Réformateurs, nous est étrangère, elle nous vient d'ailleurs. Nous ne sommes pas justes en nous-mêmes. Dieu nous déclare juste, par la grâce, c'est-à-dire gratuitement.

Cette justice qui n'est pas nôtre, qui est celle du Christ seul, est donnée gratuitement à notre seule foi. Nous sommes donc déclarés justes, ce que nous ne sommes pas, et non pas rendus justes, ce qui serait désespérant, puisqu'il nous faudrait sans cesse mesurer notre justification à nos œuvres de justice pour savoir si nous sommes réellement justifiés. Non, nous sommes déclarés justes par la grâce de Dieu et nous recevons cela, cette grâce gratuite, par notre seule foi.

*

Jésus ne pose aucune condition, ne requiert rien de Zachée suite à quoi il daignerait s'asseoir à sa table. Il accepte Zachée, dans le signe de ce qu'il lui offre, son hospitalité, tel qu'il est, Zachée le pécheur le plus en vue de Jéricho.

Et Zachée perçoit la grâce, il se sait accepté et il accepte d'être accepté. Il est une part de lui-même qui sait entendre ce qu'il découvre probablement pour la première fois. Lui dont les bonnes consciences religieuses n'ont sans doute pas manqué de l'inviter à se repentir en des termes comme : « si tu changes de vie, Dieu saura te faire grâce… » Parole sympathique certes, mais façon subtile de prêcher le salut par les œuvres : « à condition que… »

Et voilà que Jésus ne pose aucune condition : « Je veux demeurer dans ta maison ». Zachée a entendu sa voix : « si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai et je souperai avec lui et lui avec moi ».

Le changement de comportement de Zachée, son repentir, ne précède pas la grâce, mais en est un fruit et comme le signe ; le signe d'une libération et en aucun cas une condition. Zachée se voit libéré d'un poids — disons de sa peur qui le mène par tel ou tel « on ne sait jamais » à accumuler, et à frayer avec l'ennemi romain. Sous le regard de la grâce, le péché, qui est un malheur, un pesant esclavage, lui apparaît comme tel, comme chaîne.

Le péché contre son devoir est ce qui le coupe de ses prochains et l'enferme dans son arrogante solitude. Devoir, car il ne fait que se rendre aux préceptes de la Loi — restitution au quadruple des biens volés :

Exode 22, 1 :
Lorsqu’un homme volera un bœuf ou un agneau, s’il l’égorge ou le vend, il restituera cinq bœufs pour le bœuf et quatre (pièces de) petit bétail pour l’agneau.

2 Samuel 12 :
1 L’Éternel envoya Nathan vers David. Nathan vint à lui et lui dit: Il y avait dans une même ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre.
2 Le riche avait du petit et du gros bétail en très grande quantité.
3 Le pauvre n’avait rien du tout sinon une petite brebis, qu’il avait achetée; il la nourrissait, et elle grandissait chez lui avec ses fils; elle mangeait de son pain, buvait dans sa coupe, dormait sur son sein. Elle était pour lui comme une fille.
4 Un voyageur arriva chez l’homme riche; et le riche ménagea son petit ou son gros bétail, pour préparer (un repas) au voyageur arrivé chez lui: il prit la brebis du pauvre et l’apprêta pour l’homme arrivé chez lui.
5 La colère de David s’enflamma violemment contre cet homme, et il dit à Nathan: L’Éternel est vivant! l’homme qui a fait cela mérite la mort,
6 et il rendra au quadruple la brebis, pour avoir commis cette action et pour avoir agi sans ménagements.


Et cela fait Zachée en vient enfin à la pratique de la mitsva — le commandement — de la tsedaqa — c'est-à-dire le précepte de la justice — puisque c'est le nom hébreu pour ce que l'on a rendu par "aumône".

Dans la perspective hébraïque et biblique celui qui a des biens en a été doté par Dieu pour un ministère à l'égard d'autrui — il est intendant de Dieu à ce propos ; ce qui fait que l'aumône est perçue comme juste restitution. Zachée ne manque pas d'en venir à ce qui est l'enseignement de la Loi : le regard de la grâce que lui a porté Jésus l'a libéré, l'a sauvé. Jésus est venu chercher et sauver les fils d'Abraham ; chercher et sauver ce qui était perdu.

Hébreux 2, 16 « ce n’est pas à des anges qu’il vient en aide, mais c’est à la descendance d’Abraham. » Galates 3, 7 : « ceux qui ont la foi sont enfants d’Abraham. »

Cela coûte tout à Zachée : il perd ce qu'il voulait sauver à force d'entourloupes, il perd tout parce que le regard de Jésus lui a fait saisir qu'il ne saurait rien sauver d'une manne qui pourrit. Cette perte du passager est signe qu’il a reçu ce qui ne passe pas.


R.P. Châtellerault, 3.11.19


dimanche 27 octobre 2019

"Celui-ci redescendit chez lui justifié"




Deutéronome 10, 12 – 11, 1 ; Psaume 34 ; 2 Timothée 4, 6-18 ; Luc 18, 9-14

Luc 18, 9-14
9  Il dit encore la parabole que voici à certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres :
10  « Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l’un était Pharisien et l’autre collecteur d’impôts.
11  Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : "Ô Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, malfaisants, adultères, ou encore comme ce collecteur d’impôts.
12  Je jeûne deux fois par semaine, je paie la dîme de tout ce que je me procure."
13  Le collecteur d’impôts, se tenant à distance, ne voulait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine en disant : "O Dieu, prends pitié du pécheur que je suis."
14  Je vous le déclare : celui-ci redescendit chez lui justifié, et non l’autre, car tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. »

*

À y regarder de près, on va le voir, le pharisien de notre parabole est exemplaire. Vraiment exemplaire — sans ironie. Au point qu'il serait difficile pour lui de ne pas le savoir. Exemplaire jusque dans sa modestie. Exemplaire au point qu'il n'a même pas le travers d'exhiber, ne serait-ce qu'un peu, son exemplarité, sa grandeur d'âme et de vie, effectivement remarquables, exceptionnelles, il en confie le constat à Dieu seul, dans le silence, en lui rendant grâce pour ce qui ressemble bien à de la perfection, en attribuant cela à Dieu seul.

Avant de voir cela de plus près, une question. Qui concerne cette parabole ? Qui sont ces « certains qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient tous les autres » auxquels s'adresse Jésus ? Les pharisiens ? Mais alors le propos est bien bizarre… Pourquoi donner en comparaison un pharisien aux pharisiens ?

À y regarder de près, il apparaît tout d'abord que Luc vient de dire, pour introduire la parabole de la veuve et du juge impitoyable, que Jésus s'adresse à ses disciples, puis juste après : « puis il dit à certains, qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient tous les autres ». « Certains » de qui, sinon de ses disciples ? Ce que confirme le portrait du pharisien que Jésus donne dans sa parabole.

Il n'est pas inhabituel que Jésus force les traits de ses personnages dans ses paraboles. Comme peu avant le portrait du fils prodigue, dont il outre à dessein l'indignité. Ici, au contraire, il amplifie la perfection du pharisien.

Que reproche-t-il souvent, en effet, aux pharisiens ? Non pas d'être trop pieux, mais de trop le laisser paraître, les invitant à l'être devant Dieu plus que devant les hommes. Les disciples, « certains » de ses disciples, ont entendu la leçon, que sans doute, certains pharisiens (du genre de celui de la parabole) avaient prise d'eux-mêmes avant qu'il ne soit besoin de la leur faire.

Qu'enseigne Jésus en effet au sujet de la prière, du jeûne et de l'aumône, les trois devoirs envers, Dieu, soi-même, et le prochain ? Les pratiquer dans la discrétion. Ne pas prier en public et à voix haute, ne pas jeûner en faisant une mine de malade pour que tout le monde le voie, ne pas faire l'aumône de façon ostensible pour susciter l'admiration générale. C'est la leçon rapportée dans le sermon sur la montagne.

Les disciples l'ont retenue. Et mise en pratique. Et voila que du coup « certains » d'entre eux se persuadent d'être plus justes que le reste des hommes, et notamment que les pharisiens.

C'est ceux-là, ces disciples-là, que Jésus vise dans cette parabole. Remarquez bien : le pharisien ne prie pas à voix haute, mais « en lui-même ». Jésus voudrait dire que son pharisien a reçu sa propre leçon sur la prière non-ostensible, qu'il ne le présenterait pas autrement. Or même si certains pharisiens avaient pris la leçon sans qu'on ne la leur donne, les disciples de Jésus, eux, ne pouvaient pas ne pas l'avoir prise.

Voila donc un personnage exemplaire : il jeûne : il est donc humble devant Dieu. Il donne la dîme de tous ses revenus ; c'est-à-dire qu'il donne la dîme scrupuleusement — il ne fait pas d’ « oubli » sur une partie de ses revenus.

Autant dire que si tous sont comme lui, sa communauté n'a pas de problèmes financiers, et les pauvres reçoivent de quoi se retourner (puisque la dîme servait aussi aux caisses de l'entraide) — bref, conformément aux conseils de Jésus, il pratique l'aumône — sans ostentation, l’affirmant devant Dieu seul dans sa prière silencieuse.

Et quant à sa prière « en lui-même », discrète donc, et puisque c'est là que le bât semble blesser, où est le problème ?

« Heureux l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, Qui ne s'arrête pas sur le chemin des pécheurs, Et qui ne s'assied pas sur le banc des moqueurs, Mais qui trouve son plaisir dans la loi de l'Éternel, Et qui médite sa loi jour et nuit ! » — dit le Psaume 1 (v.1 & 2). Que fait-il donc d'autre, notre pharisien, que constater cela, intérieurement ? Il est heureux. Sa conduite exemplaire, sa piété exemplaire en font un homme heureux, et il en rend grâce à Dieu ; il ne prétend pas ne devoir ce bonheur qu’à lui-même. Si « les autres hommes […] sont voleurs, malfaisants, adultères », c'est pour leur malheur. Lui ne s'attarde pas avec eux, et c'est à Dieu qu'il rend grâce pour cela.

Et voilà le portrait de ce malheur d'être pécheur qui apparaît, non loin de lui, dans le temple, sous les traits du collecteur d'impôts, qui non content de son malheur quotidien, vient en rajouter avec sa prière ostensible, se frappant la poitrine.

« Oui Seigneur », prie intérieurement notre pharisien en regard de cela, « vraiment, tu m'as donné le bonheur en partage et je t'en rends grâce ! »

Avant de voir plus avant ce que Jésus trouve à redire à cela, voyons donc le deuxième personnage de la parabole, le péager, publicain, collecteur d'impôt (selon les traductions).

C'est un personnage imbuvable. Le type même de ceux que le peuple méprise. Non seulement ils sont d'une richesse arrogante, dans un pays pauvre, mais ils ne se cachent même pas de ce que cette richesse est mal acquise ! C'est le moins qu'on puisse dire. Ils l'ont acquise en volant leur propre peuple, et cela en collaborant avec l'occupant. Il y a vraiment de quoi ne pas les aimer outre mesure.

Et quand Jésus vient de donner une série de paraboles, celles qui précédent, critiquant sévèrement ceux qui ont des richesses, il y a de quoi se demander où il veut en venir !

Ce riche-là est bien pire que ceux de ses portraits précédents ; et il est face à un homme à la piété exemplaire, un pharisien, dont on sait qu'en général ils ne roulaient pas forcément sur l'or.

Les pharisiens en effet recrutent en général dans le petit peuple. Des gens qui s'efforcent d'appliquer la loi, notamment ses aspects financiers, comme la dîme, par laquelle ils subviennent aux besoins de plus pauvres qu'eux.

Voilà, semble-t-il, une parabole qui aurait de quoi rassurer les riches corrompus, s'ils étaient les auditeurs de Jésus ! Mais ce n'est pas à eux qu'il parle ici.

Celui de sa parabole est pourtant bien un corrompu : une de ces figures réputées irrachetables tellement leurs vols semblent non remboursables !

Aujourd'hui, ils feraient partie de ces personnages publics qui brillent par leur prestance jusqu'à ce qu'ils soient poursuivis pour abus de bien sociaux, détournements de fonds, corruption, etc. Simplement à l'époque c'était légal. Les Romains mettaient les populations occupées à la tâche de la collecte d'impôt en leur permettant de puiser dans la caisse le supplément qu'ils exigeraient du peuple. Une sorte de racket institutionnel. On comprend pourquoi on n'aimait pas beaucoup ces riches qu'étaient les collecteurs d'impôts.

Et celui de la parabole de Jésus est aussi caricatural que son pharisien est exagérément exemplaire. Non seulement, il est probablement incapable de rembourser ce qu'il a volé ; non seulement il est donc ce qu'il est, mais par-dessus le marché, il vient bramer théâtralement dans le temple, ce que tout le monde ne peut que savoir : il est un pécheur ! Et comment !

Où est-ce que Jésus veut en venir ? Lui qui a expliqué, rappelons-le, que la prière n'est pas le spectacle. Où est-ce qu'il veut en venir lorsqu'il semble dire que la prière d'action de grâce du pharisien n'a pas satisfait Dieu, tandis que celle du collecteur d'impôts lui vaut sa justification ? Est-ce à dire qu'il vaut mieux être pécheur « grave » et donner dans le théâtral — même sincèrement —, qu'être juste et en remercier — discrètement — Dieu seul ? C'est un peu fort de café, tout de même !

Et c'est précisément ce qui doit nous mettre la puce à l'oreille. Ce n'est évidemment pas la façon de prier du publicain qui le justifie, non plus que c'est celle du pharisien qui pose problème.

Tout d'abord il est question de justification : « celui-ci redescendit chez lui justifié ». Justification : une réalité qui nous place devant Dieu. Rappelons cette bonne vieille notion théologique. La justification est déclarative. C'est toute la leçon qu'a retrouvée la Réforme — que nous commémorons en ce dimanche de la Réformation.

Être justifié ne signifie pas être rendu juste, mais être déclaré juste. La Réforme parlait ainsi de justification « forensique », « étrangère », « extérieure », de ce mot qui a donné en français « forain », c'est-à-dire, extérieur, étranger, quelqu'un qui est d'ailleurs. De même, la justification selon la Bible, expliquaient les Réformateurs, nous est étrangère, elle nous vient d'ailleurs. Nous ne sommes pas justes en nous-mêmes. Dieu nous déclare juste, par la grâce, c'est-à-dire gratuitement. Cette justice qui n'est pas nôtre, qui est celle du Christ seul, est donnée gratuitement à notre seule foi. Nous sommes donc déclarés justes, ce que nous ne sommes pas, et non pas rendus justes, ce qui serait désespérant, au sens où il nous faudrait sans cesse mesurer notre justification à nos œuvres de justice pour savoir si nous sommes réellement justifiés. Non, nous sommes déclarés justes par la grâce de Dieu et nous recevons cela, cette grâce gratuite, par notre seule foi. Et ce que cette foi produit, car elle n’est pas une grâce à bon marché qui ne produirait rien, regarde Dieu et lui seul — il convient de rappeler que catholiques et protestants se sont accordés sur cela il y a maintenant 30 ans, dans la Déclaration commune sur la justification.

Eh bien, le publicain de la parabole est dans la disposition adéquate sous cet angle. Il n'a rien à faire valoir. Tout le monde sait ce qu'il vaut. Il n'a même pas à le cacher. D'où sa prière, avec frappements de poitrine en prime, sa prière qui n'a même pas sa sincérité pour elle. Voilà un homme minable devant Dieu et devant les hommes, qui n'est respecté que du fait du pouvoir sur autrui que lui donne sa richesse de collaborateur des Romains. Un homme vide de toute justice. Et face à lui, un homme bien, à la piété, à la charité, à tout ce qu'on veut de ce genre, incontestables, un homme incontestablement mieux que les autres, et qui est effectivement fondé à le savoir.

Il est vraiment mieux que la plupart des hommes. Mais du coup, et c'est là son problème, et même s'il en remercie Dieu, il se confie en cette bonté que Dieu lui a donnée, à cette justice propre que Dieu a suscitée en lui. Il en est plein, de cette justice propre, de cette bonté qui l'habite. Il y fonde son être. Il est devant Dieu par sa justice propre, et pas par Dieu seul.

L’autre n'a rien pour lui, ni devant les hommes, ni devant Dieu. Il est vide de tout ce qu'on peut présenter à Dieu. Il n'a de recours que la justice de Dieu et pas la sienne. Et cette justice qui n'est pas sienne, Dieu la déclare pour lui ; il est ainsi justifié, déclaré juste.

Le premier n'en a pas besoin, croit-il, il est plein de sa propre justice. Vaine, puisqu'elle l'a porté au mépris des hommes que Dieu, lui, a aimés. Or, voilà que « celui qui s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé. »

La leçon n'est donc pas qu'il faut prier théâtralement, en exposant ses fautes, comme le publicain. La leçon n'est pas qu'il faut pécher de toutes les façons des publicains. La leçon n'est pas non plus qu'il ne faut pas se solidariser et s'humilier en jeûnant, comme le pharisien. La leçon n'est pas qu'il ne faut pas donner la dîme, comme lui. Tout cela est fort bon au contraire.

La leçon est que la justice qui sauve est en Dieu seul, qu'elle nous est étrangère, qu'elle nous demeure étrangère, et qu'il s'agit certes de la poursuivre jour après jour, mais en s'en sachant vide. S'en savoir vide pour la recevoir de celui-là seul qui seul est juste : Dieu qui nous l'a donnée pleinement dans le Christ, dans sa parole.


R.P., Poitiers, 27.10.19, Fête de la Réformation


Psaume 34
Je bénirai l’Éternel en tout temps ; Sa louange sera toujours dans ma bouche.
2  Que mon âme se glorifie en l’Éternel ! Que les humbles écoutent et se réjouissent!
3  Magnifiez avec moi l’Éternel ! Exaltons ensemble son nom!
4  J’ai cherché l’Éternel, et il m’a répondu; Il m’arrache à toutes mes frayeurs.
5  Quand on regarde à lui, on resplendit de joie, Et le visage n’a pas à rougir.
6  Quand un malheureux crie, l’Éternel entend Et le sauve de toutes ses détresses.
7  L’ange de l’Éternel campe autour de ceux qui le craignent, Et il les délivre.
8  Goûtez et voyez combien l’Éternel est bon ! Heureux l’homme qui se réfugie en lui !
9  Craignez l’Éternel, vous ses saints ! Car rien ne manque à ceux qui le craignent.
10  Les lionceaux éprouvent la disette et la faim, Mais ceux qui cherchent l’Éternel ne manquent d’aucun bien.
11  Venez, mes fils, écoutez-moi ! Je vous enseignerai la crainte de l’Éternel.
12  Quel est l’homme qui désire la vie, Qui aime de longs jours pour voir le bonheur ?
13  Préserve ta langue du mal, Et tes lèvres des paroles trompeuses ;
14  Écarte-toi du mal et fais le bien : Recherche la paix et poursuis-la.
15  Les yeux de l’Éternel sont sur les justes, Et ses oreilles sont attentives à leurs cris.
[…]

Deutéronome 10, 12 – 11, 1
12  Et maintenant, Israël, qu’est-ce que le SEIGNEUR ton Dieu attend de toi ? Il attend seulement que tu craignes le SEIGNEUR ton Dieu en suivant tous ses chemins, en aimant et en servant le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être,
13  en gardant les commandements du SEIGNEUR et les lois que je te donne aujourd’hui, pour ton bonheur.
14  Oui, au SEIGNEUR ton Dieu appartiennent les cieux et les cieux des cieux, la terre et tout ce qui s’y trouve.
[…]
17  car c’est le SEIGNEUR votre Dieu qui est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable, l’impartial et l’incorruptible,
18  qui rend justice à l’orphelin et à la veuve, et qui aime l’émigré en lui donnant du pain et un manteau.
19  Vous aimerez l’émigré, car au pays de la captivité vous étiez des émigrés.
20  C’est le SEIGNEUR ton Dieu que tu craindras et que tu serviras, c’est à lui que tu t’attacheras […]
21  Il est ta louange, il est ton Dieu […]

1  Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu et tu garderas ses observances, ses lois, ses coutumes et ses commandements, tous les jours.